Maturité d’un festival

Entièrement consacré à la musique de chambre, le festival de Pâques à Deauville aura 20 ans l’année prochaine. C’est aussi l’âge moyen des musiciens qui s’y produisent. Le directeur artistique, Yves Petit de Voyze, n’a pas son pareil pour flairer les jeunes talents avant même qu’ils ne sortent des conservatoires et les propulser grâce au formidable tremplin qu’est la Fondation Singer-Polignac. Cette année, on y a retrouvé les aînés fondateurs – Nicholas Angelich, Jérôme Pernoo, Jérôme Ducros – et les générations suivantes – Adam Laloum, Edgar Moreau – et surtout on y a découvert ceux qui feront la vie musicale de demain.

Le programme du 24 avril aurait pu être entendu aa la toute fin du XVIIIe siècle dans un château entre Prague et Vienne. En préambule, l’Allegro assai du « Quintette à vents opus 91 n°2 » d’Anton Reicha : l’Ensemble Ouranos, récemment constitué de la fine fleur de la jeune génération de virtuoses d’instruments à vents français, a parfaitement rendu justice au court fragment de musique de ce compositeur praguois secondairement installé en France et qui fut au Conservatoire de Paris un des maîtres de Berlioz.

Parmi les interprètes qui comptent à Deauville, le pianiste Jonas Vitaud est aujourd’hui l’un des plus marquants et précieux pour l’esprit chambriste de la manifestation. Ce qu’il a réussi en jouant et dirigeant du piano le « Concerto n°14 » de Mozart, avec une parfaite musicalité et maturité pianistique, relève du prodige.

Le concert du 25 avril avait pour dénominateur commun le pianiste français Adam Laloum qui, faisant une enviable carrière internationale, reste fidèle au Deauville de ses débuts. Plus dans le très passionnant « Trio pour piano violon et violoncelle n°1 » de Maurizio Kagel que dans le romantique mouvement du « Quatuor avec piano » de Mahler, et surtout dans le « Trio D. 898 », on a pu apprécier les qualités exceptionnelles d’accompagnateur efficace et discret de ce merveilleux pianiste.

Enregistrements 2014

L’approche des 20 ans fait déjà penser au Festival à se pencher sur son passé. Un film est en cours d’élaboration qui devrait raconter sa création et sa première jeunesse. Cette année, on pouvait acheter sur place, et on le peut sur Internet (1), deux CD d’enregistrements réalisés l’an dernier. L’un contient les trois chefs-d’œuvre de Leoš Janácek que sont le deuxième quatuor « Lettres intimes », son « Concertino » et la sonate « Pohádka » pour violoncelle et piano, par le jeune et brillantissime Quatuor Hermès, sensation du festival 2014, ainsi que Victor Julien-Laferrière, Jonas Vitaud et Amaury Dudivier. Le deuxième album regroupe le « Quatuor n°3 » et le « Sextuor op. 110 » de Felix Mendelssohn.

En été, une autre session du festival a lieu, avec des concerts dans la salle Élie de Brignac, lieu de vente des yearlings, dont l’acoustique se prête miraculeusement à la musique de chambre. Parmi les interprètes à l’affiche du 14e Août musical de Deauville, du 25 juillet au 8 août, l’Ensemble Messiaen, le Quatuor Hermès, le trio Les Esprits et les pianistes Ismaël Margain et Adam Laloum (2).