Livres
Frédéric Beigbeder a fait d’un non-événement, les amours non advenues entre J. D. Salinger et Oona O’Neill, la fille du dramaturge et prix Nobel Eugène O’Neill, un livre remarqué de la rentrée, « Oona & Salinger » (1). Après avoir tenté, en vain, de débusquer l’auteur de « l’Attrape-cœur » de sa retraite volontaire, il a finalement trouvé ce biais plaisant et triste pour écrire une « faction » – entre vérité et imaginaire – et saluer son héros.
Les faits sont minces : en 1940, Jerry Salinger qui, à 21 ans, est un nouvelliste balbutiant, rencontre dans un club la très jeune Oona, 15 ans et déjà habituée aux nuits new-yorkaises. Il est séduit, ils se revoient l’été suivant mais il doute que l’attirance soit réciproque. La guerre va trancher : alors qu’il s’engage dans l’armée et part combattre en Europe, Oona s’envole pour Hollywood. Elle y rencontre Charlie Chaplin, qu’elle épousera en 1943 alors qu’elle a tout juste 18 ans et lui 54.
L’idylle a tourné court mais l’empathie de Frédéric Beigbeder (« l’Amour dure trois ans », « 99 francs », « Windows on the World », prix Interallié, « Un roman français », prix Renaudot) lui a permis, en particulier dans les lettres fictives envoyées du front par l’amoureux transi, de combler les manques de ce récit par ailleurs très documenté. Et inspiré, on ne peut s’empêcher de le dire, par sa propre expérience d’homme taraudé par le temps, qui vient d’épouser une « jeunesse » de 25 ans sa cadette.
L’écrivain américain apparaît également dans « Mon année Salinger » (2), un récit autobiographique signé Joanna Smith-Rakoff, considérée, après « le Plus Bel Âge », comme une nouvelle voix de la littérature américaine.
Elle avait 23 ans en 1996 et venait d’être embauchée dans une agence littéraire « à l’ancienne ». Un endroit feutré et un travail routinier seulement rompu par les appels téléphoniques tonitruants qui mettaient sa patronne en émoi : ceux d’un monsieur de 77 ans presque sourd qui rappelait qu’il était encore vivant. Chargée d’envoyer une lettre-type aux innombrables admirateurs de Jerome David Salinger, la jeune femme, qui ne l’avait jamais lu, découvre peu à peu son œuvre et finit par lui parler. Au-delà de l’anecdote, ce récit d’apprentissage enchante par la description de cette agence hors du temps, par la trajectoire sentimentale et professionnelle de cette jeune fille pleine d’illusions sur la littérature, qui la conduit chaque jour du Brooklyn populaire à la très chic Madison Avenue, de la réalité à un monde de roman.
Retour dans le Bronx
Auteur d’une quarantaine de romans – dont la fameuse série policière qui met en scène le commissaire Isaac Sidel – mais aussi de nouvelles, essais, biographies et bandes dessinées, Jerome Charyn, qui est né en 1937 et a grandi dans un quartier juif du Bronx, nous a rendu d’autant plus familière cette partie de New York qu’il n’a cessé de réécrire l’histoire des siens, de ses parents immigrés qui y ont échoué et de son enfance marquée par la guerre des gangs.
Son retour dans cette partie de la ville, après s’en être volontairement exilé, lui a inspiré 13 textes réunis sous le titre « Bronx amer » (3). Loin d’être un voyage sentimental sur les traces de son enfance, ce recueil est d’une tonalité assez sombre mais la réalité est toujours transcendée par son imagination et son style uniques.
Sous le prétexte d’une enquête que mène un universitaire après la mort d’une artiste plasticienne qui fut l’épouse d’un puissant et richissime marchand d’art, « Un monde flamboyant » (4) a pour théâtre le monde de l’art new-yorkais et nous révèle les arcanes les plus profonds du geste artistique. La romancière américaine Siri Hustvedt, auteure notamment de « Tout ce que j’aimais », s’appuie sur les témoignages de la famille et des proches et sur les carnets laissés par la défunte pour faire surgir le portrait choral d’une femme et d’une artiste frustrée, en quête de reconnaissance dans un monde dominé par les hommes. Et pour mettre à jour une machiavélique machination « artistique » dont la malheureuse, qui se rêvait maîtresse des illusions, a été victime. Une sorte de « thriller intellectuel » particulièrement habile et un thème d’autant plus touchant que l’auteure est l’épouse – frustrée ? – d’une star de la littérature, Paul Auster.
Un survivant
Une autre facette de New York, celle des années 1980, quand l’argent coulait à flots, est décrite par Robert Goolrick dans « la Chute des princes » (5). L’auteur de « Féroces » et « Arrive un vagabond » offre non seulement l’autobiographie d’une époque et d’un lieu mais livre aussi une partie de sa propre vie, puisqu’il a fait partie de ces jeunes hommes qui ont vendu leur âme au dollar. « J’avais 28 ans et j’étais vice-président de l’une des plus grandes agences de publicité du monde. À 30 ans, je me suis tranché les veines. J’ai fait le premier de mes trois séjours en hôpital psychiatrique… »,confie-t-il.
Quand s’ouvre le roman, la fête est finie. Le narrateur, un de ces golden boys qui menait une vie de luxe et de stupre consacrée à la seule recherche du plaisir, a été licencié du jour au lendemain et a tout perdu. Il est un survivant et se souvient. Car le thème du livre est la rédemption.
(1) Grasset, 335 p., 19 euros.
(2) Albin Michel, 355 p., 20,90 euros.
(3) Mercure de France, 276 p., 23,80 euros.
(4) Actes Sud, 403 p., 23 euros.
(5) Anne Carrière, 231 p., 20 euros.
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