La douleur escorte souvent toute une vie. Quand on est comme Antoine de Baecque historien et sportif, on peut l’illustrer par des monographies, la vivre en athlète ou l’avoir pour perpétuelle compagne. Les atroces morsures de la douleur l’étouffent, depuis longtemps il vit avec elle, « une maladie articulaire génétique, désignée sous l’acronyme chiffré savant de HLA B29, un mal dégénératif, depuis plus de trente-cinq ans, qui s’est déclaré durant l’adolescence ».
Alors il s’en est fait presque une amie, une douce habitude. Grâce à elle il découvre que le corps même de l’historien peut devenir sujet de son existence. La douleur le conduit sur les chemins de grande randonnée, ceux, du lac Léman à Nice, qu’il décrit dans son livre « la Traversée des Alpes - Essai d’histoire marchée » (Gallimard, 2014). Elle l’incitera à incarner la souffrance extrême d’un cycliste escaladant les cols, quand les mollets hurlent.
Pourtant, Antoine de Baecque ne fait pas de son livre une simple exhibition doloriste qui pourrait lasser. Il dit même que « la douleur fuit lorsque nous essayons de l’arraisonner par le verbe ». Aussi a-t-il choisi d’explorer des « figures » de souffrance dans l’Histoire, récits qui rendent son livre passionnant.
Ainsi narre-t-il le destin de Catherine de Sienne au Moyen Âge, la « femme-stigmates » qui réitère le modèle christique de la Passion subie sur la croix. Le christianisme n’est jamais loin des souffrances atroces (« excruciating », dit la langue anglais) et si l’exemple a de quoi irriter Nietzsche, il annonce aussi Simone Weil.
De l’amour, qui est toujours une souffrance, à la jouissance sexuelle, il y a la frêle passerelle de Leopold Sacher-Masoch et de la femme au fouet. Répugnante perversion pour les uns, mais typologie fondamentale pour qui a scruté l’âme humaine pour les autres.
Supprimer la douleur ?
Peut-on supprimer la douleur ? Bien avant les travaux de René Leriche en 1937, issus de l’horreur des champs de bataille de 14-18, le livre nous conte l’aventure d’Horace Welles, chirurgien-dentiste à Hartford, dans le Connecticut. Cet homme discret eut l’idée en 1844 d’employer le premier anesthésique, le protoxyde d’azote, qui lui servit pour l’avulsion d’une dent. Une histoire plutôt drôle, puisque ce gaz a un effet hilarant. Plutôt triste, aussi, car Welles, reconverti en showman, fit une pitoyable démonstration à l’université d’Harvard en faisant hurler un cobaye « underhilarated ».
Faut-il, de fait, supprimer la douleur ? Ceux qui, semblables à Antoine de Baecque, ont retrouvé cette compagne, jour après jour, pendant des années, se rendront à cette évidence : la réponse est « Non », car… on finit par l’aimer.
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