Idées
« Nouvelles couches moyennes salariées », « petite bourgeoisie nouvelle », « aventuriers du quotidien » : on ne sait exactement comment qualifier ces néobabas que sont les bobos. Cette dénomination du sociologue américain David Brooks ne cible d’ailleurs qu’imparfaitement cette population. N’appartenant pas à la petite bourgeoisie traditionnelle, éloignés bien sûr de la classe ouvrière, ils illustrent un peu cette volonté de se définir par la « distinction » chère à Pierre Bourdieu. Ils ont des goûts et des valeurs à eux.
C’est sans doute à partir de là que, depuis plusieurs décennies, ils ont investi dans les quartiers anciens des centres-villes, les ateliers ouvriers délaissés ou les « vieilles maisons pleines de charme », créant un phénomène qu’en franglais on nomme « gentrification ».
Anaïs Collet analyse avec précision leur démarche, montrant que « ces quartiers vieillissants et populaires sont particulièrement ajustés à leurs moyens économiques, à leurs goûts et à leurs styles de vie ». On songe parfois en la lisant aux intellectuels en voie d’établissement des années 1960-1970, ceux par exemple des « Choses » de Pérec, ou aux « frustrés » de Claire Bretécher. Faut-il parler à leur propos d’une sorte de fantasme romantique dans lequel ils retrouveraient leur vie de quartier d’autrefois, ou de « fuite hors du monde social » ? Ils semblent avoir les pieds bien sur terre lorsqu’ils investissent en réhabilitant des quartiers anciens mais délaissés par la bourgeoisie moyenne des villes. De ce point de vue, leur volonté de distinction rend le titre de ce travail, « Rester bourgeois », peu adapté à ses conclusions.
Lyon et Montreuil
Le livre étudie en particulier la transformation des Pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, dans les années 1970-1990, et le renouveau du Bas-Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Deux expériences fort différentes en fait. Dans le premier cas, il s’agit d’un bel endroit historique sur une colline où se tenaient les anciens ateliers des Canuts ; tel les Indiens dans un western, nos intello-immobiliers ont conquis les hauteurs du plateau. À Montreuil, il s’agissait plus de valoriser progressivement des lieux peu attrayants.
Réalisation d’un rêve ou solide sens de l’investissement ? Le livre montre que les reventes sont rares et que les acquéreurs ont retroussé leurs manches. Toujours intéressant, l’ouvrage mêle sans cesse les faits et leur recul théorique.
Anaïs Collet, « Rester bourgeois », La Découverte, 256 p., 25 euros.
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