Le Norvégien Arne Lygre, la cinquantaine, est loin d’être un inconnu en France. Claude Régy a monté une de ses pièces dès 2007. Stéphane Braunschweig s’est pris de passion pour lui jusqu’à le traduire avec l’aide d’Astrid Schenka. Romancier et dramaturge, Lygre aime les ellipses, les suspensions, les constructions artificieuses. Il déteste que le spectateur ait la moindre chance d’arrimer ses émotions à des situations ou des dialogues facilement reconnaissables. Interdiction absolue de pénétrer, interdiction de se projeter.
Braunschweig dit que ce texte, qu'il a traduit et met en scène dans une scénographie qu’il signe également, le fait penser au troublant et érotique film « Intimacy » de Patrice Chéreau d’après le livre d’Hanif Kureishi. Anne-Françoise Benhamou qui l’interviewe, pense à « l’équilibre du jeu oulipien et du tragique dans l’œuvre de Pérec ». On sourit. Ils ont besoin de se raccrocher à des branches. Or qu’est-ce que « Nous pour un moment » (1) ? Une pièce conceptuelle, à écriture inclusive dans sa forme française. Ici la structure commande tout. Une pièce dont le titre littéral, « La deg vaere » serait « Te laisser être ».
Sept comédiens pour jouer des « personnages » qui changent d’une séquence à l’autre, passent d’un sexe à l’autre, etc. Avec des identités abstraites : une personne, un.e ami.e (sic : la mode de l’écriture inclusive), une connaissance, un.e inconnu.e, un.e ennemi.e. D’entrée vous êtes à la porte tandis que dans un bassin d’eau noire qui dissimule une tournette, assis sur des chaises, les protagonistes se suivent en un jeu qui produit d’abord de l’ennui. L’ennui, oui. Les interprètes ont du talent et ils trouvent un intérêt intellectuel à cet exercice. Mais tout tourne à vide et l’on sent le public navré qui salue poliment par de tièdes applaudissements des interprètes talentueux, Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal.
La cruauté des relations humaines
À des années-lumière, Marie-Louise Bischoberger réunit cinq comédiens accompagnés d’un pianiste dans une adaptation de nouvelles de Guy de Maupassant, « Au café Maupassant » (2). On est loin du concept, on est dans la société, dans le sentiment, dans la guerre des sexes, dans la férocité d’un écrivain magistral au style éblouissant. Avouons-le : on comprend tout ! On est ému, bousculé. Paradoxalement, ce que prétend faire Arne Lygre analysant la vanité tragique et ridicule à la fois des relations humaines, Maupassant l’accomplit avec une puissance beaucoup plus impressionnante.
La grâce, la liberté, l’intelligence de Marie Vialle et Manon Combes, comédiennes radieuses, l’humanité de Charlie Nelson, la finesse de Pierre Yvon, la présence de Dominic Gould et la délicatesse vitale d’Antoine Bataille au piano, tout ici est accueil, partage, lumière. On regrette que certains interprètes aient des partitions un peu furtives (l’excellent Pierre Yvon). La metteure en scène aurait pu partager mieux. Ce qui n’interdit en rien, répétons-le, de réussir à nous faire saisir la cruauté et l’évanescence des relations humaines. Quand Lygre échoue et nous accable d’ennui.
(1) Théâtre de l’Odéon aux Ateliers Berthier, jusqu'au 14 décembre, 20 heures du mardi au samedi, 15 heures dimanche. Durée 1 h 35. Tél. 01.44.85.40.40, theatre-odeon.eu.
(2) Théâtre de Poche-Montparnasse, jusqu'au 12 janvier, 19 heures vendredi et samedi, 15 heures dimanche. Durée 1 h 15. Tél. 01.45.44.50.21, theatredepoche-montparnasse.com
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