Idées
D’abord, l’auteur est un formidable historien. Il sait raconter un XIXe siècle âge d’or de la bourgeoisie et de la gastronomie, où, comme il le dit avec talent, « les recettes s’alourdissent de beurre qui arrondit et enveloppe les saveurs comme les formes, répondant à une esthétique corporelle qui voit dans l’embonpoint un signe de bien-être et de réussite sociale ».
Cet âge d’or de la gastronomie fait de la France et de Paris le centre du monde. Mais il nous plaît beaucoup que ce livre restitue l’essor des « mères lyonnaises » au début du siècle dernier, qui semblait ignorer l’hypercholestérolémie. Soufflé au brochet belle aurore, fonds d’artichaut au foie gras, poularde de Bresse demi-deuil, quenelles en gratin au beurre d’écrevisse : c’était soixante ans avant l’avènement de la Nouvelle Cuisine.
Cuisine et a fortiori gastronomie sont affaire de gestion, donc de gros sous. La France compte autour de 150 000 restaurants et l’écart ne cesse de se creuser entre les établissements aux menus à 10, 15 ou 20 euros et ceux où l’addition dépasse 300 euros. On discutera à l’infini pour savoir si cette béance est vraiment justifiée, mais les très grandes maisons, celles d’Alain Ducasse, Michel Guérard ou Alain Robuchon, sont des entreprises exigeant une comptabilité précise et ayant d’énormes charges salariales. Celles-ci ont augmenté beaucoup plus que le coût des produits. Comme le souligne un grand chef, pour 40 couverts, il y a parfois 40 personnes au travail. Les très grands restaurants sont devenus des empires compliqués à gérer. Ainsi L’Arpège d’Alain Passard se voit adjoindre trois potagers, ce qui se traduit par du personnel, des salaires, de la qualité en plus, et une addition plus ventrue.
Liens douteux
Encensés à l’infini, occupant la vacuité d’émissions télé où Top Chef, Super Chef et Master Chef sont aux fourneaux de manière interchangeable, les aristocrates de la haute gastronomie se sont parfois compromis avec des firmes plus douteuses que goûteuses, révèle l’auteur. Le fin du fin de la gastronomie a établi des partenariats avec les officiants de la grosse bouffe industrielle qui, en retour, utilisent l’image de la star des fourneaux, célébrant les noces bizarres de l’agro-alimentaire et des saveurs célestes.
Crise de la vache folle dans les années 1980-1990, lasagnes au cheval récemment, « les fleurons de la gastronomie française auraient dû alerter sur les pratiques et la course folle à l’alimentation à bas coûts », dit justement Jean-Claude Renard. Mais mille partenariats et liens discutables donnent à la sauce un parfum de Flop Chef.
Jean-Claude Renard, « Arrière-Cuisines », La Découverte, 242 p., 19 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série