« Lucrèce Borgia », de Victor Hugo

Trop douce pour faire peur

Publié le 13/03/2014
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Théâtre

On en verra, cette saison, des Lucrèce ! D’abord, la plus attendue des prochaines semaines, celle mise en scène par Denis Podalydès à la Comédie-Française et dont le rôle-titre sera tenu par… Guillaume Gallienne. On l’a souvent vu salle Richelieu dans des rôles de Miss et, si l’on en juge par la manière sidérante dont il incarne sa mère dans son film, on ne doute pas qu’il sera une « Madame Lucrèce », ainsi qu’on l’appelle chez Victor Hugo, sincère et saisissante. Tandis que, de fin juin à mi-août, c’est à Grignan que l’on découvrira une débutante au théâtre, Béatrice Dalle, dans le tourbillon des crimes et l’amour pour un fils.

Dans la mise en scène de Jean-Louis Benoit, qui n’est pas sans qualités, c’est la fine et délicate Nathalie Richard qui joue ce personnage flamboyant. Écrasée par une robe austère (en rouge, puis en noir), sans perruque avec ses cheveux blonds sagement courts, elle n’est pas aidée. Elle est très juste et même remarquable dans le sentiment, dans l’amour pour son fils. Mais on ne tremble jamais en la voyant. Elle ne fait jamais peur, alors qu’elle est effrayante.

La pièce est superbe, mélodramatique à souhait. Hugo savait ce qu’il écrivait. Après « le Roi s’amuse », ou « la paternité sanctifiant la difformité physique », il liait, dans « Lucrèce Borgia », « la difformité morale la plus hideuse (…et) un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ».

Gennaro (le très fin Martin Loizillon) est au service de Venise. Il n’a ni père, ni mère. En fait, il est l’enfant de la cruelle Lucrèce Borgia, qui le protège à distance et veut absolument le voir et se faire aimer de lui sans lui avouer la vérité. De Venise à Ferrare, de traquenards en empoisonnements, il y a du roman de cape et d’épée dans ce sublime drame. Thierry Bosc est un Gubetta, homme duplice, parfait, Nina Bretecher une belle princesse Negroni, Fabien Orcier un Alphonse d’Este brutal à souhait. Les jeunes compagnons de Gennaro sont très bien.

C’est un spectacle qui s’appuie sur des jeunes venus des écoles d’art dramatique, et de Montpellier en particulier. La mise en scène oscille entre plusieurs registres, comme le traduit le choix des musiques et des costumes.

Il y a des moments très beaux entre Gennaro et Lucrèce. Et l’on entend une pièce magnifique. Ce n’est pas si mal ! Mais le spectacle manque de flamboyance et d’audace.

« Lucrèce Borgia » est en tournée : après Aubervilliers et Chelles, Luxembourg les 26 et 27 mars, Esch-sur-Alzette le 29 mars, Amiens du 3 au 6 avril, Narbonne les 10 et 11 avril, Fos-sur-Mer le 15 avril, Alès les 17 et 18 avril, Chartres le 13 mai, Lyon (les Célestins) du 16 au 25 mai. Durée : 2 h 40, entracte compris.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9309