Les médecins sont souvent vilipendés par les médias français. Ils gagnent de l’argent, et ne pensent pas véritablement à leur patientèle. Malheureusement, cette vision très manichéenne est vue sous un prisme politicard, et témoigne souvent de la méconnaissance de ces journalistes vis-à-vis de cette pratique.
Au-delà de cette réflexion, un film (« Médecin de campagne ») donne une bonne représentation de notre profession. C’est avec une très grande sensibilité qu’il aborde la réalité du quotidien d’un médecin en milieu rural.
Sacrifice
Tout d’abord, pour pratiquer ce type de médecine, il faut accepter de sacrifier sa vie familiale. Les médecins ruraux ont souvent des vies difficiles ; nombreux sont ceux qui sont divorcés ou célibataires. Être médecin de campagne, c’est accepter d’être comme Robinson sur son île. De ce fait, la population mise sur sa disponibilité sans faille.
En conséquence, nous comprenons bien l'attitude de notre personnage principal qui refuse, même s’il est atteint d’une grave pathologie, de laisser ses patients. Les malades ce sont les autres, et ce ne peut pas être lui.
Seul, c’est également le thème abordé dans ce film. La présence d’une future associée donne à notre praticien la chair de poule, et nous sommes quelque peu déconcertés par son mépris à l’égard de sa collègue. En fait, il est facile de comprendre cette attitude. Étant disponible, à l’écoute de ses patients, il n’a pas trouvé d’alternatives pour prouver qu’il a d’autres qualités. L’intrusion d’un autre praticien, c’est une menace pour cet équilibre très fragile redouté par le titulaire.
Angoisse
De plus, tout médecin vit dans l’angoisse permanente de la faute professionnelle ; erreur plus facile à endosser lorsqu’il est seul. Cette méfiance liée à l’installation de sa consœur, qui semble au départ très pesante, s’estompe peu à peu car ces craintes se dissipent par rapport à l’intérêt incontestable qu’apporte la collaboration. Néanmoins, nous notons au travers de certaines scènes une tristesse du médecin titulaire lorsqu’il voit que certains patients se sont déplacés uniquement pour voir la future installée, et pas lui. Cette image nous montre la difficulté, mais aussi la frustration que nous pouvons avoir vis-à-vis de nos patients (les rapports humains restent complexes et parfois déconcertants).
Tout aussi intéressant est de voir le cadre de vie de notre collègue. Il a un bureau très désordonné, et son lieu de vie jouxte son cabinet. Nous notons la vétusté des locaux, et en y regardant de plus près nous pouvons être quelque peu compassionnels à l’égard de notre confrère qui ne vit pas dans le luxe. Ce détail nous remet dans le contexte politique actuel, ou les médecins sont régulièrement pris à partie car ils gagnent trop d’argent. Ils ne touchent pas le RSA (quoique certains soient dans des situations financières difficiles), mais cela s’effectue au détriment de leur santé et de leur famille ! Les biens matériels ne sont pas leur priorité, et ils ne comptent pas comme Arpagon leur argent.
Le chapitre concernant les soins palliatifs est également extraordinaire. Nous, les médecins de campagne, reconnaissons ne pas avoir les possibilités technologiquement de suivre de manière parfaite un patient avec de nombreuses pathologies. Mais cette pratique est-elle nécessaire lorsque ce dernier est âgé, n’a aucun espoir de guérison ? N’est-il pas important de donner le meilleur confort de vie pour le patient (qui dans la majorité des cas, consiste à rester dans son milieu) ?
Richesse
Ce sujet permet de rebondir sur un autre tout aussi d’actualité : la pluriprofessionnalité. Derrière le malade en fin de vie, nous constituons en milieu rural des équipes pour suivre de manière correcte nos patients. Nous n’avons pas besoin de conseils ponctuels dispensés par des têtes pensantes uniquement disponibles 8 heures/jour. Nous préférons travailler en équipe (chacun ayant sa partition), et nous misons avant tout sur une disponibilité sans faille. Cet élément est le maillon fort de notre pratique ; élément que nous retrouvons fort bien dans ce film.
Cette réflexion nous donne l’opportunité de parler d’un autre thème abordé : celui des maisons de santé. Créer une maison de santé, c’est mettre en commun des professionnels de différents bords, et des praticiens volontaires. Cependant, souvent ces projets émanent de politiciens, et restent des coquilles vides. On ne peut pas bâtir des maisons de santé sans que les professionnels acceptent de les intégrer. De plus va se poser à moyen terme la question de la pérennité financière de ces structures. Le contribuable, et les politiques accepteront-ils à long terme de donner des aides financières à ces centres ? Néanmoins ce film termine sur une note très optimiste : certains jeunes médecins peuvent être tentés par cette vie monacale, mais tellement enrichissante en rapports humains. Aussi, je vous conseille d’aller voir ce film qui est un témoignage tout à fait fidèle du travail, et de la vie d’un médecin de campagne.
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