C’est Julien Benda qui naguère évoquait « la trahison des clercs », l’aveuglement d’une élite intellectuelle incapable de sortir d’un schéma ancien. Continuant de vivre et de penser avec les vieux mythes de la gauche, nombre de nos clercs refusent de voir et de désigner l’ennemi, la criminalité du djihadisme.
En effet, pour eux, le monde musulman fait partie des dominés, il est la victime toujours actuelle du colonialisme occidental. Il se rattache au « camp du Bien », d’où par définition ne peut venir aucun Mal*. Superbe fleuron de cette idéologie, le philosophe slovène Slavoj Zizek, pour qui le radicalisme islamique exprime « la rage des victimes de la mondialisation capitaliste ». Dans un registre très voisin, l’Américaine Judith Butler explique qu’« il est extrêmement important de considérer le Hamas et le Hezbollah comme des mouvements sociaux progressistes ». Quelle ténébreuse logique, se demande Alexandra Laignel-Lavastine, « conduit tant d’entre nous à ne plus pouvoir désigner l’ennemi, à être incapables d’appeler un chat, un chat » ?
Deux civilisations malades
L’auteur effectue un rapprochement, que certains jugeront excessif, entre l’aveuglement devant la barbarie nazie en juin 1940 et la mise sous le boisseau de la barbarie djihadiste par notre élite intellectuelle. Un récent et navrant essai tentant même de montrer, par un retournement ahurissant, que le sens même du 11 janvier était la haine des musulmans !
Il résulte de tout cela, montre fort bien l’auteur, que c’est l’extrême droite qui récolte les fruits de tous ces errements et que s’additionnent en fait deux civilisations malades : l’occidentale, aveuglée par la mondialisation, et le monde arabo-musulman, « impuissant à instituer des démocraties durables », comme l’explique Abdennour Bidar dans sa « Lettre ouverte au monde musulman » de l’automne 2014.
Écrivant de façon étincelante, l’auteure affirme que « les habitants du Vieux Monde sentent depuis quelque temps que leur civilisation a rompu avec la part la plus lumineuse d’elle-même ».
C’est dans cet état de malaise que ressort traditionnellement l’abjection : l’antisémitisme et ses atroces théoriciens et « amuseurs ». Attitude que cernait bien Vladimir Jankélévitch : « Applaudir aux fours crématoires, serait-ce par hasard une opinion ? » Un antisémitisme bien planqué sous l’habituelle dénonciation d’Israël. Depuis un an, des musulmans meurent victimes de Daesh et personne ne manifeste, alors qu’on ne cesse de le faire pour Gaza.
Un livre de combat, véhément mais aux analyses peu contestables, qui montre le permanence de ce que Jean-Claude Milner nommait « les penchants suicidaires de l’Europe ».
* On retrouve ces idées dans l’article de Martin Walzer intitulé « Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’Islam », dans « le Monde » des 10-11 mai 2015.
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