Livres
Pour son dixième roman, « Juliette dans son bain » (1), l’écrivain d’origine turque et suisse d’adoption Metin Arditi (« le Turquetto », « la Confrérie des Moines volants ») revient dans la triste actualité médiatique et populaire. Le récit tourne autour d’un homme qui a eu l’intelligence de faire fortune dans l’immobilier et le bon goût de s’intéresser à la peinture. À la veille de subir une opération du cœur et alors qu’il annonce via le journal télévisé qu’il fait don de tableaux de Picasso et de Braque intitulés tous les deux « Juliette dans son bain », sa fille est enlevée. Elle ne sera libérée que s’il rend publics dix textes qui exposent chacun un épisode de sa vie portant atteinte à la morale. Tandis que la police enquête et négligeant que la vie d’une jeune fille est en cause, le lynchage médiatique s’organise, qui transforme le brillant mécène jusque là encensé en un vil personnage que tout le monde condamne alors même que ses turpitudes ne sont pas prouvées. Sous la forme d’un polar et à travers le portrait de cet homme ambigu, Martin Arditi ouvre une réflexion sur le pouvoir et les méfaits de la richesse, sur l’inévitable suspicion qu’entraîne le succès, surtout lorsqu’il est assorti de générosité.
Traductrice de J. D. Salinger, John Fowles et V. S. Naipaul, auteure de plus de 300 nouvelles réunies dans une vingtaine de recueils consacrés par les plus grands prix littéraires, Annie Saumont a écrit au début de sa carrière quelques rares romans. « Ce soir j’ai peur » (2) date de 1961 (son premier recueil est paru en 1963) et s’attache à une jeune étudiante en gymnastique qui a empoisonné son amant, un dentiste de vingt-cinq ans son aîné. Tout en se pliant aux entraînements physiques et en écoutant les conversations de ses camarades impatientes de découvrir l’amour, elle est rongée par le remords et la crainte d’être démasquée. Construit entre récit à la troisième personne et monologue intérieur pour mieux traduire la confusion de la jeune fille, le roman brouille les pistes entre les faits tels qu’ils sont racontés et la réalité. Bref mais percutant.
Les ravages de la crise
Considéré comme la révélation des lettres irlandaises 2013, Donal Ryan, 39 ans, donne avec « le Cœur qui tourne » (3) un premier roman choral qui met en scène pas moins de 21 personnages. Le récit se déroule dans un village après que le patron de l’usine locale s’est enfui avec la caisse. Le chômage brutal met à jour des tensions et des rivalités. Un meurtre est commis, un enfant est kidnappé. Les voix s’élèvent pour dire chacune leur vérité, mais qui racontent la même histoire : le quotidien d’une Irlande rurale en proie aux difficultés économiques, sociales et professionnelles, mais aussi les difficultés intimes, la fragilité des relations et des sentiments.
La crise économique et la misère, mais cette fois dans le Sud profond des États-Unis, vers la fin des années 1990, sont aussi omniprésents dans « les Chemins de la rédemption » (4), un roman noir de Wiley Cash (« Un pays plus vaste que la terre »), récompensé par le Gold Dagger Award 2014. Easter, 12 ans et Ruby, 6 ans, ont été placées dans un foyer des Appalaches après la mort par overdose de leur mère. Leur père, un ex-joueur professionnel de base-ball ayant mal tourné et qui a renoncé à ses droits parentaux plusieurs années auparavant, débarque un soir pour les emmener. Dans le coffre de la voiture, un sac rempli de billets. Commence alors une course-poursuite sur les routes reculées de Caroline du Nord, un jeu dangereux entre un flic, un tueur à gages et un père prêt à tout pour retrouver l’amour de ses enfants.
La mort au rendez-vous
Une gravure de 1881 intitulée « le Réveil d’Ève », qui illustre la couverture du deuxième roman de Frédéric Touchard, « l’Hypothèse du prototype » (5), montre tout le contenu ou presque de cet étrange récit qui joue sur tous les registres et raconte l’improbable rencontre de Gaspard et d’Eva dans une forêt. Lui, 20 ans à peine, serre un sac bourré de l’argent ramassé après le braquage d’une banque ; elle, sort de son sac une arme. Pendant six jours, otages l’un de l’autre, les jeunes gens vont ne faire qu’un dans ce bois gorgé de soleil et de volupté, de jeux avec la mort et la vérité. Une vérité qui ne peut aboutir qu’à la mort.
La mort est aussi au rendez-vous de « Sous l’eau » (6), premier livre traduit en français de Deborah Levy, poète et dramaturge britannique. On s’immerge dans un huis-clos qui se déroule dans une villa sur les hauteurs de Nice, louée par des Anglais, un poète, son épouse et leur fille de 14 ans ainsi qu’un couple d’amis. Ils découvrent en arrivant une inconnue jouant nue dans la piscine. Contre toute attente, la maîtresse des lieux pour l’été invite l’intruse à rester. Entre drame et poésie, l’écriture de Deborah Levy fait remonter à la surface toutes les émotions et les vérités de chacun des personnages.
Après avoir défrayé la chronique outre-Atlantique avec la publication de deux livres de mémoires, dans lesquels elle dépeignait sa jeunesse d’adolescente alcoolique, Koren Zailckas livre, dans « Notre mère » (7), sous la forme d’un thriller psychologique provocant, une réflexion sur la famille. Rien ne va plus dans la famille Hurst, dont la pierre angulaire semble être la mère, Josephine : Douglas, le père, se noie dans le travail et l’alcool, Rose, la fille aînée, a mystérieusement disparu et Violet, 16 ans, se drogue. Après avoir agressé Josephine avec un couteau et blessé son petit frère Will, qui est autiste, l’adolescente est enfermée, à la demande de sa mère, dans un hôpital psychiatrique. Commence une longue et terrifiante guerre psychologique entre la mère et la fille, qui va conduire à exhumer, dans un suspense croissant, tous les secrets des Hurst.
(1) Grasset, 378 p., 20 euros.
(2) Julliard, 143 p., 16 euros.
(3) Albin Michel, 210 p., 18 euros.
(4) Belfond, 307 p., 21,50 euros.
(5) Calmann-Lévy, 236 p., 17 euros.
(6) Flammarion, 188 p., 19 euros.
(7) Belfond, 432 p., 21,50 euros.
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