COMMENT une pièce entre-t-elle au répertoire ? Elle est soumise au comité de lecture. Comment parvient-elle jusqu’à ce comité ? Par la traductrice, l’éditeur français, l’agent littéraire ? Ou par le coup de cœur d’un acteur qui aurait vu la pièce jouée aux États-Unis ou au Royaume-Uni ?
Autant de questions que l’on se pose en découvrant la pièce de Naomi Wallace, la cinquantaine, connue pour ses poèmes et qui écrit depuis un certain temps, parfois sur commande, des pièces de théâtre. Elle se dit politique. Elle puise dans l’histoire des situations et y projette des conflits actuels. Ainsi, s’inspirant du « Journal de la peste » de Daniel Defoe, situe-t-elle l’action de cette pièce à cinq personnages, à Londres, en 1665, et y injecte-t-elle des problèmes qui concernent l’Amérique des années 1990. Émeutes, sida, peur de la contagion, troubles sociaux, elle énumère elle-même les « dossiers ».
On le devine, pas question ici d’élan, d’inspiration. C’est de l’écriture à l’anglo-saxonne, efficace et très chargée. L’argument est assez simple. On est à Londres, durant la Grande Peste. Les Snelgrave, William (Guillaume Gallienne) et son épouse Darcy (Catherine Sauval), sont reclus en quarantaine dans leur maison désertée. Kabe, un homme rude, veille devant la maison (Christian Gonon). Deux jeunes issus du peuple s’introduisent dans les appartements et se trouvent enfermés. Bunce (Félicien Juttner) devient le valet et lave le sol au vinaigre, Morse (Julie Sicard), 12 ans, adoptée, est régente la maisonnée. La puce, c’est elle, c’est ainsi qu’un moment elle est nommée. Mais traduit par Dominique Hollier, « On Flea Spare », expression venue d’un poème de John Donne très connu dans les pays de langue anglaise, « Une puce, épargnez-la », ne rend compte en rien de la pièce, sinon d’une certaine sophistication de la pensée de l’écrivain.
Que se passe-t-il ? Affrontements feutrés entre le maître et le valet à propos d’une paire de chaussures, manigances cupides du gardien, vulnérabilité du marin, secret qui ligote de la femme, énergie de flamme de la toute jeune fille. Trafic d’argent, classes sociales irréconciliables, drame ancien qui a détruit le couple, pulsions morbides, désir sexuel, hantise chrétienne du péché, figure du Christ. La barque dramaturgique est chargée.
La mise en scène a été confiée à une jeune femme à poigne, Anne-Laure Liégeois. Elle signe décor et costumes, donnant une couleur flamande à la représentation. Les scènes sont séparées par une bouffée de musiques inégales et l’allumage d’une rampe lumineuse qui éblouit les spectateurs. À la fin surgissent de lugubres oiseaux.
C’est le jeu qui est ici passionnant et disloque toutes les réserves que l’on pourrait avoir. Christian Gonon dessine avec finesse l’homme du dehors ; Félicien Juttner est un jeune homme sensible et vulnérable que chacun manipule ; Julie Sicard, dont le personnage est au cœur de la construction dramaturgique, est fascinante : frêle, grinçante comme fée, fragile comme enfant, femme, séductrice, autorirtaire ; Catherine Sauval prête sa silhouette aristocratique et sa grave beauté à une femme flouée, douloureuse, tentatrice ; Guillaume Gallienne incarne avec noblesse, délicatesse, intelligence, maîtrise du moindre regard, geste, de la moindre intonation, l’ambiguïté de Snelgrave.
Un travail très intéressant sur une pièce un peu trop « fabriquée » mais qui est inépuisable, s’il s’agit de la commenter, d’y entendre les pulsions à l’œuvre ou le monde spirituel et social.
Théâtre Éphémère au Palais-Royal (tél. 0825.10.16.80, www.comedie-francaise.fr), jusqu’au 12 juin en alternance. À 20 h 30 en soirée, à 14 heures en matinée. Durée : 2 heures sans entracte.
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