UN TRIOMPHE ! Un extraordinaire triomphe, avec applaudissements nourris, sifflets, cris, accueille le spectacle donné actuellement au Théâtre de la Ville devant des salles combles où la jeunesse est en force. C’est remarquable. La pièce d’Eugène Ionesco est une fable très étrange, sombre comme l’était le grand écrivain de l’universel et de l’angoisse pascalienne devant le monde.
Ce « Rhinocéros » est remarquablement mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville. Metteur en scène, chef de troupe, excellent patron de la grande institution parisienne, il vient d’être nommé directeur du festival d’Automne avec le double aval de la Mairie et du ministère de la Culture. Il ne quittera pas son grand théâtre.
Il y a six ans, il avait donné une superbe version de la pièce d’Eugène Ionesco. Elle date de 1959. Elle parle de l’irruption, dans un monde raisonnable, de figures monstrueuses et terrifiantes, elle parle de la métamorphose de certaines personnes en cet animal étrange qu’est le rhinocéros. Elle parle du mal. Sans transformer les principes superbes du premier spectacle, avec, notamment, une scénographie et des lumières d’Yves Collet, Emmanuel Demarcy-Mota éclaire son propos en introduisant un prologue. Serge Maggiani, qui est Bérenger, aristocratie fiévreuse, voix qui laisse sourdre une inquiétude légère, dit des pages du « Solitaire », unique roman de l’écrivain de « la Cantatrice chauve ». Cela ne dénature en rien le propos, au contraire. Vient la pièce, tendue, avec cette peur qui envahit peu à peu la petite ville, le monde du bureau, toute cette quotidienneté que le génie d’Eugène Ionesco subvertit.
Acrobates dans un décor qui s’effondre, se plie, secoués comme dans une tempête, les comédiens sont précis, musicaux. Tous mériteraient d’être cités. Dans le rôle d’un des employés du bureau, Dudard, Philippe Demarle, fragile et inquiétant, est celui qui est tenté. Belle, forte personnalité, Valérie Darshwood est Daisy, qu’aime Bérenger. D’abord résistante, elle ira à la fin du côté des rhinocéros. L’ami de Bérenger, Jean, lui aussi va devenir rhinocéros. Hugues Quester est impressionnant, belle voix, fascinant dans la scène de métamorphose. Quant à Serge Maggiani, Bérenger qui ne bascule pas… peut-être parce qu’il est déchiré d’angoisse, il est magistral et tellement humain. Ajoutons que l’on ne cesse de rire ! Car le sombre Ionesco sait qu’il faut rire, aussi. Comme Kafka.
Chacun peut entendre, voir, ce qu’il veut dans la figure du rhinocéros, dans la tentation du rhinocéros. Il s’agit d’embrigadement politique, intellectuel, moral, spirituel… et il en est tant de formes !
Théâtre de la Ville (tél. 01.42.74.22.77, www.theatredelaville.com), du mardi au samedi à 20 h 30. Dimanche en matinée. Durée : 1 h 50 sans entracte. Jusqu’au 14 mai.
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