C’EST PARCE qu’il a lui-même joué le rôle de Peer Gynt, qu’Éric Ruf s’est senti capable de mettre en scène la très longue pièce d’Henrik Ibsen. Cela se passait à Bussang, en 1999. La connaissance intime de l’ouvrage l’a certainement aidé. Mais c’est sa vision très originale, son esthétique forte, ses décisions de metteur en scène et de scénographe qui font de cette production une fête extraordinaire.
Sociétaire de la Comédie-Française, Éric Ruf signe de nombreux décors pour des spectacles de théâtre ou d’opéra. Ici, dans l’espace très particulier du Salon d’honneur du Grand Palais, il utilise au mieux les contraintes. Entre deux rangées de gradins qui se font face court un chemin caillouteux aux talus herbeux. Au milieu, on distingue des rails. À une extrémité, un paysage vallonné qui est la patrie du héros. À l’autre, un rideau qui laisse palpiter d’autres pays, tandis que jouent lumières et sons.
On pouvait craindre que l’emploi des micros aplatisse les timbres des comédiens et instaure une distance. Il n’en est rien. Et l’on ne perd pas un mot du texte, dans la traduction de François Regnault, malgré les cavalcades des personnages et les voyages chahutés du héros, incarné par Hervé Pierre, idéal.
Peer est un garçon plein d’imagination, pour qui le rêve compte autant que le réel. Un jour, il quitte sa mère (Catherine Samie) et la seule femme qui l’aime vraiment (Suliane Brahim), pour parcourir le vaste monde. Il va devenir très riche, tout perdre. Il va s’engager dans de nombreuses aventures, réussir, séduire, subir des catastrophes, essuyer des tempêtes. Et il ne cesse de renaître... Qu’est-ce qu’être soi, se demande-t-il, devenu bien vieux, en considérant les peaux d’un oignon.
La grande réussite de ce spectacle est dans son rythme et sa clarté. Il a quelque chose d’un feuilleton haletant. La fougue le dispute toujours à la beauté renversante et à l’émotion bouleversante. Une vingtaine d’interprètes passent d’un rôle à l’autre à toute allure et Hervé Pierre, qui ne quitte pas le plateau, étonne à chaque épisode.
Pour toute la troupe, le parcours est athlétique et les scènes de groupe sont superbes, magnifiées par les costumes de Christian Lacroix. Musique en direct, chant, danse, ruptures de ton, humour et gravité, insouciance et graves questions se mêlent. C’est « Peer Gynt », un chef-d’œuvre déployé avec un art sûr, très âpre et très raffiné.
Comédie-Française (tél. 0825.10.16.80, www.comedie-francaise.fr), au Salon d’Honneur du Grand Palais, à 19 heures du mardi au samedi, 15 heures dimanche. Durée : 4 h 45 avec deux entractes. Jusqu’au 14 juin. Le billet donne accès à l’exposition Buren soit aux entractes, soit après le spectacle le dimanche.
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