Selon les standards de l’Opéra de Vienne, pour citer un exemple de maison d’opéra dont répertoire est le fonds de commerce, cette production d’« Eugène Onéguine » de 1996 que reprend l’Opéra de Paris, pour une trente-troisième représentation sur la scène bastillane, ferait figure de jeunette. À Paris, où la surconsommation des productions relève du gaspillage, il s’agit d’une exception.
Willy Decker avait mis en scène le drame de Tchaïkovski d’après Pouchkine avec sobriété et fidélité au livret, dans un décor très stylisé et avec de beaux costumes d’époque. La production n’a pas pris une ride, mieux, elle semble avoir pris un coup de jeune.
Mais c’est en grande partie pour sa distribution que cette reprise était très attendue. Le soprano russe Anna Netrebko, que le monde s’arrache, chante le rôle de Tatiana, après y avoir triomphé à New York, face à l’Onéguine du formidable baryton suédois Peter Mattei, son partenaire au même Metropolitan Opera.
Même si, on le savait, Netrebko a aujourd’hui une voix trop riche, trop dramatique, pour ce rôle de jeune fille, on ne peut que s’extasier devant son exceptionnelle performance vocale. Des minutes d’applaudissements ont suivi le long « Air des lettres », qu’elle a mené comme un monologue certes trop dramatique, mais recelant de trésors vocaux et interprétatifs de tout premier ordre. Elle est plus à l’aise aux deux derniers actes, quand Tatiana, devenue princesse Grémine, résiste héroïquement au retour d’Onéguine qui l’avait rejetée dans sa jeunesse.
Magnifique physiquement et d’une classe vocale non moins exceptionnelle, Peter Mattei a joué parfois de façon un peu monomorphe mais avec une grande aisance (sauf pour la danse !) le rôle du beau ténébreux, blasé et torturé, dont Pouchkine a fait en 1833 le héros de cet étonnant roman en vers.
La distribution était très soignée avec Hanna Schwarz pour la nourrice Filipievna, Pavel Cernoch en Lenski, Alexander Tsymalyuk en prince Grémine et Varduhi Abrahamyan en Olga. Mauvaise idée en revanche que d’avoir confié Monsieur Triquet, rôle-silhouette épisodique mais dont l’air en français est si attendu, à Raúl Giménez, ténor rossinien sur le retour qui l'a caricaturé, le chantant en force.
La direction du chef britannique Edward Gardner était magnifiquement bien tenue et dramatique, à la tête d’un orchestre et de chœurs de l’Opéra de Paris dans la forme des grands soirs.
Opéra de Paris-Bastille, jusqu’au 14 juin. Tél. 0892.89.90.90, operadeparis.fr Retransmission sur France Musique le 25 juin à 20 heures
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