UN PAYSAGE familier tout d’un coup éclairé d’une lumière rasante et dont on perçoit les tons et les modelés comme jamais : c’est un peu l’effet que font cette nouvelle traduction et cette mise en scène d’une œuvre connue de Luigi Pirandello mais peu montée. Elle concentre les thèmes, les obsessions, les tourments de l’écrivain, prix Nobel de littérature en 1934 et qui mourra deux ans plus tard. Elle fait partie des œuvres écrites pour Marta Abba, jeune, belle, très douée, qui est sa muse au Teatro d’Arte di Roma qu’il a fondé et anime.
« Se trouver » est la question de Donata Genzi, comédienne au faîte de son art, qu’un accident précipite dans l’inactivité après que la passion amoureuse l’a saisie. Comme dans toutes les œuvres dramatiques de Pirandello, l’épaisseur romanesque impressionne. Et la profondeur de l’analyse psychologique aussi. Donata (Emmanuelle Béart) a croisé le chemin d’Ely (Vincent Dissez). Orphelin, il est élevé par son oncle le comte Mola (Frédéric Leidgens). Ely Nielsen s’est voué à la nature, à la haute mer. Il y a un malentendu dans la rencontre des deux solitudes de Donata et d’Ely.
Ce que nous donne à comprendre la traduction de Jean-Paul Manganaro, c’est la liberté de Donata (et celle de Pirandello). Certains passages de la pièce n’avaient jamais été aussi clairement traduits et le moment où Donata et Elisa, son amie d’enfance (Claire-Ingrid Cottenceau) parlent du destin de toute femme, de sa sexualité, sont d’une lucidité hallucinante. Il y a une brutalité chez Pirandello. Il affronte toujours la vérité, ce qu’il pense être la vérité. C’est pourquoi son œuvre ne vieillit pas.
La mise en scène de Stanislas Nordey, qui ne renonce en rien à son style, permet de faire affleurer les forces profondes ici à l’œuvre. Les liens avec la Grèce archaïque et tragique, les parentés avec Ibsen, le cousinage avec Strindberg et même, d’une certaine manière, les liens avec Claudel. Ces attaches lisibles n’affaiblissent en rien la puissance du propos pirandellien.
Il y a dans la pièce, comme dans le traitement scénique, quelque chose qui renvoie au suspense des romans noirs. On est subjugué par les désarrois de la splendide et fragile Donata. Emmanuelle Béart lui offre sa grâce sensuelle avivée par les costumes de Raoul Fernandez. Elle la suit sur les chemins escarpés de la déraison. C’est très passionnant à voir, à ressentir, à analyser. Et le tout dans l’émotion toujours et l’intérêt le plus vif pour tous les personnages, uniques et très bien interprétés.
Théâtre National de Bretagne (tél. 02.99.31.12.31), jusqu’au 11 février. Durée : 2 h 30 sans entracte. Puis à Toulon du 16 au 18 février, et à Paris, à La Colline, du 6 mars au 14 avril. Texte bientôt publié par « l’Avant-scène théâtre ».
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