Entre Courbet et Whistler, tout commence par un coup de foudre. Un tableau. En avril 1859, de passage à l'atelier Bonvin (Paris) où sont exposées des œuvres de peintres prometteurs tel Manet, Courbet tombe en admiration devant l'œuvre de Whistler intitulée Au Piano. Dès lors, Courbet - le maître d'Ornans - reconnaît en Whistler son héritier.
Quand l'élève s'identifie au maître
Six ans plus tard, lors d'un séjour à Trouville en compagnie de Whistler, Courbet écrit une lettre à ses parents citant Whistler, comme « un anglais » qui est son « élève ». Durant le même séjour, Whistler peint Harmonie en bleu et argent : Trouville, un portrait de Courbet qui pastiche Bords de mer à Palavas, (réalisée par ce dernier en 1854). « Courbet y apparaît avec une silhouette vieillissante, comme si Whistler souhaitait ainsi représenter son influence artistique déclinante », précise le Pr Sarfati. De fait, comme ses pairs, le jeune Whistler fournit, tout au long de sa vie, des efforts colossaux pour tenter de prendre la place de Courbet sur la scène parisienne. Si le maître d'Ornans s'engage dans une tension artistique de maître à élève, de dominant/dominé, Whistler le copie, adopte sa technique. Il devient Courbet pour mieux s'en détacher quelques années plus tard.
1866 : une disparition inexplicable
Ainsi, dès 1866, à 32 ans, Whistler disparaît de la scène parisienne, pour Southampton, puis, Valparaiso (Chili). Sans laisser d'adresse, il abandonne son meilleur ami Fantin-Latour, et sa compagne, l'irlandaise Joanna Hiffernan. 1866 est également l'année où Courbet peint une œuvre aujourd'hui fameuse : l'Origine du monde. La légende veut que le modèle de cette toile - qui met en exergue un sexe d'une femme les cuisses ouvertes - ait été Joanna. Laquelle aurait également été la maîtresse de Courbet... Les deux hommes se seraient alors fâchés à cette occasion et Whistler aurait fui au Chili.
L'apport de la psychodynamique
C'est à l'aide de ses compétences de psychiatre et de psychanalyste que le Pr Sarfati tente d'élucider l' « aventure psycho-pathologique » du Chili et redonne de la hauteur à l'origine de la rupture dans la carrière artistique de Whistler. En effet, de retour de Valparaiso, Whistler s'installe à Londres. « Il change son nom et prend pour signature un insecte ressemblant à un papillon, un scolopendre (…). Il change ainsi d'identité », confie le Pr Sarfati. Whistler ne fuit pas par dépit amoureux mais suite au constat - en peignant avec Courbet sur la côte normande - de son incapacité à s'élever au niveau du maître en restant sur le même terrain artistique.
Remise en question et envol de Whistler
En juillet 1867, lors d'un séjour à Paris, Whistler voit l'hommage à Ingres ainsi que les expositions de Courbet et de Manet. Il se remet en question, blessé de ne pas avoir sa place à Paris. Il délaisse Courbet - chantre du réalisme - pour admirer Ingres, maître du néoclassicisme. Le papillon sort de sa chrysalide pour prendre son envol. « Les visages des modèles de Whistler s'effacent au profit de l'unité d'ensemble. La couleur devient le principal sujet de la toile Le Balcon esquisse n°2, représentant des geishas sans visage, femmes-fleurs, disparaissant avec les mauves fushias, roses crémeux de l'eau et du ciel ». Whistler transforme sa technique : il tue Courbet en se démarquant définitivement de son maître. Dans son livre, tout en tuant la légende de L'Origine du monde, le Pr Sarfati nous montre l'apport de l'étude psychodynamique à l'histoire de l'art.
*L'Anti-Origine du monde, Comment Whistler a tué Courbet, Les presses du réel, 38 euros.
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