L'OMS plaide pour une lutte radicale contre le réchauffement climatique

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Publié le 11/10/2021
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Crédit photo : Phanie

À 21 jours de l'ouverture de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (Cop 26), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publie un rapport, exposant les arguments sanitaires en faveur d'une lutte radicale contre le réchauffement climatique, assorti de 10 recommandations fortes.

« La consommation de combustibles fossiles est en train de nous tuer », peut-on lire dans le rapport. « Le changement climatique est la plus importante menace qui ait jamais pesé sur la santé de l'humanité. Personne n'est à l'abri », s'alarme le Dr Diarmid Campbell-Lendrum qui a dirigé le groupe de travail à l'origine du rapport. « On a longtemps cru que les populations des pays développés étaient en partie protégées des effets du réchauffement climatique, mais c'est faux ! La population y est plus urbaine, plus âgée et, de fait, plus vulnérable », ajoute-t-il.

Le rapport insiste tout particulièrement sur les actions « transformatives » dans tous les domaines : énergie, transports, systèmes alimentaires, protection des écosystèmes et finances. Les auteurs rappellent que le simple respect strict des recommandations de l'OMS en matière de pollution de l'air réduirait de 80 % le nombre de décès directs, tout en réduisant efficacement la quantité de gaz à effets de serre émise chaque année. De même, la transition vers une alimentation plus résiliente, moins polluante et moins carnée, éviterait 5,1 millions de décès d'ici à 2050. L'organisation s'était déjà positionnée sur ce point lors de ses dernières recommandations.

Les objectifs de Paris visent à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C supplémentaire comparé à la température moyenne préindustrielle. Selon les dernières estimations du GIEC, la température moyenne mondiale devrait augmenter, si elle suit la trajectoire actuelle, de 2,7 °C à l'horizon 2050. « C'est un scénario catastrophique qu'il ne faut même pas envisager », s'horrifie le Dr Maria Neira, directrice du département de l'OMS dédié à la santé publique, à l'environnement et aux déterminants de santé.

Des bénéfices à court terme pour convaincre les politiques

Afin de persuader les autorités d'agir enfin, les auteurs du rapport insistent sur les bénéfices immédiats à attendre de politiques volontaristes. « Chaque minute, 13 personnes meurent des conséquences directes de la pollution, martèle le Dr Neira. Plus de 5,6 millions de vies pourraient être sauvées d'ici à 2030 par la lutte contre la pollution. » Le rapport est d'ailleurs dédié à la mémoire d'Ella Kissi-Debrah, une jeune Londonienne asthmatique, dont le décès a été reconnu par la justice britannique comme ayant été provoqué en partie par la pollution. Tout un symbole.

Ce rapport de l'OMS se double d'une lettre ouverte, signée par plus de 45 millions de professionnels de la santé représentés par plus de 300 organisations, et adressée aux chefs d'État et décideurs politiques. Elle appelle notamment à un renforcement de l'action contre le changement climatique, « la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée ».

Pour Howard Carton, du Conseil international des infirmières, signataire de la lettre, « les infirmiers et infirmières constatent tous les jours les effets sur la santé des populations : ils voient les hypothermies lors des épisodes de chaleur intense, les exacerbations d'asthme, les maladies infectieuses qui explosent après une inondation ou un incendie, alerte-t-il. Le changement climatique vole l'espoir des gens, son impact psychologique est majeur ! Vous pensez que le Covid est un problème ? Vous n'avez encore rien vu ! ».

85 % de la population déjà affectée

En guise de énième mise en garde, une nouvelle étude publiée dans « Nature Climate Change » rapporte que 85 % de la population mondiale est déjà affectée par le changement climatique.

Pour ce travail, les chercheurs allemands (Institut Max Planck, Institut de recherche Mercator sur le changement climatique), britanniques (Université de Leed), suisses et américains ont utilisé une intelligence artificielle capable de repérer des suites logiques de mots dans plusieurs langues, afin de dénombrer les références à un sujet d'actualité, le réchauffement climatique dans le cas présent.

En passant les bases de données au crible, ils ont ainsi repéré 102 160 publications scientifiques documentant les divers impacts du climat. Ces événements étaient répartis sur 80 % de la surface mondiale (hors Antarctique), sur laquelle réside 85 % de la population humaine mondiale.

Pour 48 % des terres (qui hébergent 74 % de la population globale), il y avait un niveau de preuve robuste ou élevé de l'existence d'un effet observable de l'impact des activités humaines sur le climat. Ces régions étaient concentrées en Europe de l'Ouest, en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est.

Pour environ un tiers des terres (et 11 % de la population), le niveau de preuve restait faible malgré des variations de température et de précipitation attribuable au réchauffement climatique d'origine anthropique. « Ce déséquilibre suggère qu'il y a une inégalité, selon les pays, dans les capacités à mesurer et évaluer les effets du réchauffement climatique », résument les auteurs. Les régions les moins documentées sont l'Afrique de l'Ouest, l'Asie du Sud-Est et le nord de l'Asie.

Au final, il n'y a que 10 % des terres dans lesquelles on observe à ce stade aucune tendance à l'augmentation de la température ou une modification des précipitations directement attribuable à l'Homme.


Source : lequotidiendumedecin.fr