En France, les allergies respiratoires, alimentaires et médicamenteuses touchent aujourd'hui près de 18 millions de personnes et le nombre de patients touchés ne cesse de croître. Pourtant, l’impact des allergies est encore trop souvent sous-estimé, tant par la société que par les pouvoirs publics si bien qu’on pourrait qualifier cette situation d’« épidémie silencieuse ». Face à cette urgence sanitaire, un défi s’impose : une mobilisation politique et collective à la hauteur des besoins des millions de patients touchés par les allergies.
L'allergie n’est pas une pathologie anecdotique. Elle est une réalité médicale, sociale et parfois même professionnelle, avec des conséquences directes sur la qualité de vie de ceux qui en souffrent et de leurs proches. Cette dimension est au cœur du fil rouge « Allergies et vie pratique » porté par le Congrès français d’allergologie (CFA), qui met en lumière ces répercussions concrètes au quotidien. La perception des allergies comme des troubles bénins est non seulement erronée, mais elle est également dangereuse pour les patients et l’évolution de leur pathologie. L’augmentation du nombre de personnes touchées (30 % en 2010 versus 3 % en 1970), amplifiée par des facteurs environnementaux tels que la pollution ou les changements climatiques, ainsi que le risque de réaction de plus en plus dangereuse (par exemple, le nombre de chocs anaphylactiques aux urgences a été multiplié par quatre en 20 ans [1]) nécessite une réponse politique à la hauteur de ses enjeux.
Un nombre d’allergologues insuffisant
Alors même que la demande de soins allergologiques augmente de manière exponentielle, le nombre de médecins spécialisés dans cette discipline est insuffisant. Les allergologues, spécialistes formés pour diagnostiquer et traiter les allergies, se font de plus en plus rares. Le nombre d'internes, qui pourrait constituer la relève de demain, est insuffisant pour combler le vieillissement de la population des allergologues en exercice. Une situation alarmante quand on considère que les délais d’attente pour un rendez-vous atteignent parfois un an, alors même que des patients sont à risque de réactions graves, voire mortelles. Qu’en sera-t-il lorsque la moitié de la population française sera allergique ?
Les allergies ne peuvent plus être traitées comme une problématique secondaire ou marginale
Afin de garantir une réponse à la hauteur des enjeux de santé publique majeurs des allergies, une prise de conscience accrue de la part des pouvoirs publics s’impose. Les allergies ne peuvent plus être traitées comme une problématique secondaire ou marginale. Il est essentiel que les pouvoirs publics prennent la mesure de cette crise, en valorisant davantage l’expertise des allergologues et en mettant en place une campagne d’information pour mieux sensibiliser le grand public aux enjeux des allergies.
Une nécessaire réponse collective
Face à cette situation, la Fédération française d’allergologie (FFAL) a rédigé, en 2020, un plan quinquennal de lutte contre les allergies 2022-2027, dans le but d’améliorer la prise en charge des patients. Ce plan souligne la nécessité de sensibiliser les pouvoirs publics à l’urgence d’une meilleure prise en considération des pathologies allergiques.
Dans la continuité de ce plan, la FFAL s’est associée à d’autres professionnels de santé et aux industriels pour créer le Collectif national allergies (CNA), premier pas vers une réponse collective à cette problématique. Les propositions formulées par ce collectif visent à garantir une prise en charge efficace et adaptée sur tout le territoire, notamment en augmentant le nombre de postes d’interne en allergologie. Dans cette logique, la création d’Unités transversales d’allergologies (UTA) au sein des hôpitaux permettrait d’offrir une prise en charge plus spécialisée et continue. Cette initiative renforcerait également la reconnaissance de l’allergologie en milieu hospitalier, essentielle face à la complexité croissante des explorations médicamenteuses et aux besoins d’expertise accrue. Enfin, la création d’un Conseil national universitaire (CNU) dédié à la spécialité allergologique, comme il en existe pour d’autres spécialités, serait une étape clé pour structurer et pérenniser la profession, et ainsi mieux préparer la France à faire face à l’ampleur croissante de l’épidémie allergique.
Ainsi, l’épidémie d’allergies en France est bien réelle, et son ampleur ne cessera de croître si nous ne réagissons pas maintenant. Il est temps de reconnaître pleinement les enjeux qu’elle recouvre et d’assurer un avenir aux patients allergiques en formant la relève des allergologues de demain. La santé de millions de patients en dépend.
[1] Plan quinquennal de lutte contre les allergies (PDF)
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