Bien malin qui saurait d’avance dire si les négociations conventionnelles seront couronnées de succès ou synonymes d’échec. À l’heure actuelle, chaque partie campe sur ses positions dans une forme de respect de la hiérarchie et l’ordre établi, essayant d’attirer le regard de l’autre mais en niant de le faire, à la manière d’un jeu de l’amour et du hasard. Les médecins disent, à raison, que le système est exsangue et menace de s’effondrer, ne tenant debout que par l’abnégation de celles et ceux qui en ont fait leur métier. Et de s’étonner même, qu’il tienne encore debout… À les (nous) écouter, il faudrait une révolution pour que le système de santé puisse continuer à faire ce pour quoi il a été conçu : soulager les souffrances, guérir quand cela est possible, et accompagner toujours. Il faudrait renverser la table, partir d’une page blanche et tout repenser. Mais, souffrant d’un mal franco-français (même s’il se retrouve dans d’autres pays du monde), un fossé sépare la volonté de réformes et l’acceptation de celles-ci.
Un fossé sépare la volonté de réformes et l’acceptation de celles-ci
Chacun est persuadé de la nécessité de changement, sans rien vouloir modifier
Un peu à l’image de certains patients qui viennent nous voir en consultation. Certains par exemple, sont consommateurs de tabac. Ils savent que pour leur santé, il leur faudrait en arrêter la consommation. Ils savent que celui-ci est déjà néfaste ou le sera un jour dans leur vie jusqu’à parfois causer leur mort. Certains connaissent même des proches, des membres de leur entourage, que le tabac a emportés ou a rendu invalides. Et pourtant ils ne changent pas. Ou plutôt, ils ne sont pas prêts à changer. Les spécialistes de la question parlent d’un état précontemplatif. Ils contemplent leur vie comme dans un état de dépersonnalisation. La résistance au changement n’étant pas l’apanage de nos patients, nous la retrouvons aussi chez beaucoup de médecins. Persuadés qu’ils sont, de devoir changer le système en profondeur, de devoir transformer leur métier pour lui permettre de perdurer, tout en restant arc-boutés sur le fait de ne rien changer. Le diagnostic est partagé. Des propositions de changement sont apportées, mais refusées avant même d’avoir été étudiées avec attention.
Un état précontemplatif
De la part de nos tutelles, tout comme de l’Assurance-maladie dans ce cas précis, le fonctionnement est identique. Le diagnostic est posé d’une profession à bout de souffle, en perte de repères et en quête de sens. Toutes et tous partagent le constat que la profession a un urgent besoin de revalorisation financière, par le montant de la rémunération des acteurs du corps médical, tout autant que la revalorisation des compétences, comme celle de reconnaître que la rédaction de certificats par des professionnels ayant plus de dix années d’étude après le bac est une forme de luxe aussi inutile que décourageant. De ce côté-là aussi des négociations conventionnelles existe une forme d’état précontemplatif. Certes, des propositions de changement sont formulées, comme le choix d’une rémunération entièrement à la capitation. Mais ce modèle, qui pourrait plaire à bon nombre de médecins s’il était mieux expliqué et moins contraignant à appliquer, se heurte à l’état précontemplatif d’une frange de la profession ne jurant que par le paiement à l’acte qui, rappelons-le, ne vous rémunère pas plus si vous travaillez mieux, mais uniquement si vous travaillez davantage. Ne pourrions-nous pas imaginer un système plus souple, permettant à ceux qui sont sortis de cet état précontemplatif de changer le métier, sa façon de l’exercer ? Un système où nous ne perdrions pas de temps à vouloir changer des résistants au changement, qui pourraient continuer à travailler comme ils le faisaient déjà il y a 20 ans ? Un système où les tutelles passeraient d’une volonté de réforme de la santé sur le mode du tout ou rien, à une volonté d’écoute, d’accompagnement et de mise en œuvre de moyens plus importants qu’un simple saupoudrage de mesures trop souvent déconnectées de la réalité du terrain ?
L’énergie dépensée à résister aux changements proposés de part est d’autre, est inversement proportionnelle à la volonté de changement. Or « le changement n’est jamais douloureux. Seule la résistance au changement est douloureuse », disait Bouddha. Il ne manquerait qu’un minime catalyseur pour passer de l’état précontemplatif aux étapes ultérieures de la spirale du changement. Il suffirait d’un peu de détermination pour que les actions authentiques puissent voir le jour.
Agir plutôt que de toujours réagir. Dialoguer et coconstruire plutôt qu’imposer. Mais changer. Car « face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement », disait Francis Blanche.
Réactions à l’événement sur le système de santé à Gaza
En partenariat avec France Info
C’est ma santé : faut-il consommer des prébiotiques et des probiotiques ?
C’est vous qui le dites
« Il en faut du courage pour vouloir devenir médecin aujourd’hui ! »
Éditorial
Une place ténue à la COP29