Notre ministre a déclaré la semaine dernière, que la proposition d’augmentation de « 1,50 euro de plus, globalement pour un médecin c’est 7 000 euros par an, c’est un beau 13e mois ». Une phrase, en apparence, simple, se voulant calmer les ardeurs des médecins.
Si l’on se réfère à la définition d’un treizième mois, il s’agit d’une « prime exceptionnelle versée par certaines entreprises à leurs salariés, correspondant à un 13e mois de salaire ». Les médecins seraient-ils donc en passe d’être salariés de l’Assurance-maladie ? À en croire ce qui circule sur les réseaux sociaux et dans la bouche de certains Français, ce salariat des médecins libéraux ne ferait aucun doute, tant pis si les deux termes sont antinomiques. Car un libéral n’est pas salarié puisqu’il touche des honoraires. Il s’acquitte lui-même de ses cotisations sociales, n’a aucun jour de congé rémunéré, ni les mêmes droits concernant les indemnités en cas de maladie ou d’accident de travail. Et un salarié n’est pas libéral, puisqu’il est employé d’une entreprise, a signé un contrat de travail avec des obligations et, en contrepartie, des cotisations sociales payées par cet employeur, des droits à congés payés, congés pour maladie, pour accident de travail…
À titre de comparaison, imaginons un conducteur de voiture. Il assure son véhicule auprès d’une compagnie d’assurances, qui lui garantit la prise en charge des réparations pour certains sinistres, et l’indemnisation ad hoc, selon une grille convenue au préalable. Imaginons que cet automobiliste ait un petit accrochage nécessitant une réparation de carrosserie. Il va aller voir son garagiste. Celui-ci, s’il a signé une convention avec l’assurance de l’automobiliste, lui proposera de le dispenser de l’avance des frais liés à la réparation, plus ou moins importante selon la franchise prévue au contrat.
Le garagiste ne fait que faciliter le quotidien de l’automobiliste, puisqu’il sait que l’assurance lui réglera le montant qu’elle a promis de régler. Mais, pour autant que l’on sache, cela ne fait pas du garagiste un salarié de la compagnie d’assurances, si ?
Revenons-en aux médecins et à l’Assurance-maladie. Les relations entre les médecins et la Cnam sont régies par la Convention, qui fixe quels soins sont pris en charge et à quelle hauteur. Il n’est aucunement question d’un quelconque lien de salariat entre les deux protagonistes. Alors, pourquoi parler de treizième mois dans ce cas ?
Une manière de jeter l'opprobe sur les médecins
Sans doute pour mieux jeter l’opprobre sur la profession et, surtout, les libéraux. Car le but de la manœuvre, ne nous y trompons pas, est de faire germer dans l’opinion publique, que les médecins ne sont que des enfants gâtés dont l’unique motivation est l’appât du gain, et qu’ils devraient s’estimer heureux qu’on leur octroie un montant de rémunération supplémentaire que nombre de nos concitoyens ne pourront obtenir cette année.
Or, mis à part certains qui ont demandé une consultation à 50 € (et à qui tous les médias se sont empressés de tendre le micro), la majorité des médecins ont eu des demandes bien différentes. Par exemple, de pouvoir travailler mieux, en supprimant bon nombre de contraintes administratives chronophages plus inutiles les unes que les autres ou de pouvoir être reconnus quand ils s’investissent pour la communauté. Ou enfin de pouvoir imaginer un modèle économique leur permettant d’engager du personnel administratif sans pour autant devoir augmenter leur activité déjà déraisonnable afin de couvrir les frais de ces personnels qui seraient, eux, salariés.
Au lieu de cela, le choix a été fait d’encore et toujours ignorer les signaux lancés depuis le début de ce siècle sur la catastrophe à venir en termes d’accès aux soins dans notre pays. Le choix a été de favoriser le « toujours plus » : toujours plus de consultations, toujours plus de recours à un professionnel de santé pour des motifs divers et variés, toujours plus de demandes alors que dans le même temps, l’offre (le nombre de médecins en activité régulière) n’a cessé de décroître, même plus rapidement que prévu par les scénarios les plus pessimistes.
Le paquebot de l’offre de soins est le Titanic avec un iceberg droit devant. Le commandant de bord demande à son équipage, épuisé, d’en faire encore plus. Il s’imagine figure de proue et propose à la criée un treizième mois pour tous. Grande risque d’être sa surprise quand, en se retournant, il ne trouvera plus de membres d’équipage à qui annoncer qu’ils se comportent en enfants gâtés, tandis que la coque du bateau entrera en collision avec l’iceberg.
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