Quand la décoration et l’agencement influent sur la relation médecin-patient

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Publié le 09/02/2024
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Si le médecin est libre d’agrémenter son cabinet et sa salle de consultation selon ses goûts, on assiste à une certaine standardisation du mobilier, des coloris et des choix de décoration. Les principes du « design médical fondé sur les preuves » semblent s’installer de façon durable chez les praticiens français.

Pour les généralistes, la distance thérapeutique physique passe, par exemple, par un bureau séparé des chaises des patients d’un mètre en moyenne

Pour les généralistes, la distance thérapeutique physique passe, par exemple, par un bureau séparé des chaises des patients d’un mètre en moyenne
Crédit photo : GARO/PHANIE

La tendance est nette depuis quelques années. Désormais, 80 % des annonces de remplacements de médecins libéraux sur les réseaux sociaux s’accompagnent de photos du cabinet médical qui, à lire certains commentaires, peut faciliter la mise en contact en comparaison aux annonces exclusivement écrites. Si les soignants sont sensibles à l’environnement dans les soins, c’est aussi – et avant tout – le cas des patients. Les thèses en médecine générale sur l’agencement et la décoration d’un environnement de soin se multiplient.

Quatre principaux axes d’action

Sur quelles recommandations se fonder pour décorer son cabinet ? Depuis la loi du 11 février 2005, des normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (PMR) ont été mises en place. Le code de déontologie évoque « une installation convenable » qui permet le respect du secret professionnel et la sécurité des soins. La Haute Autorité de santé propose des recommandations d’hygiène : point d’eau, gestion des déchets, revêtements lavables tout en évitant les plantes, vases ou aquariums. Ces restrictions – très limitées – ont permis le développement d’une nouvelle discipline, d’abord aux États-Unis puis en Europe : le design médical fondé sur les preuves. Cette tendance repose sur des champs très divers tels que la psychologie environnementale, l’architecture et les neurosciences dans le but d’améliorer le bien-être des patients et du personnel, la guérison des patients et la sécurité des soins.

Quatre principaux axes d’action sont proposés : éliminer les facteurs environnementaux connus de stress (bruit, images anxiogènes), cultiver le sentiment de contrôle (luminosité, pudeur), promouvoir le soutien social (chaises groupées en salle d’attente) et fournir un accès à la nature et autres distractions positives (musique, écrans). En France, des cabinets d’architectes d’intérieur se sont spécialisés dans l’aménagement des lieux de soins.

« Carte de visite » du cabinet

Interrogés par des thésards sur les éléments de décoration qu’ils utilisent pour leur cabinet, les médecins généralistes mettent en avant la distance thérapeutique physique (bureau séparé des chaises des patients d’un mètre en moyenne, lieu spacieux et confortable), mais aussi interpersonnelle (peu de photos intimes sauf pour signifier le fait d’être en couple ou d’avoir des enfants, pour éviter les situations confuses). L’affichage des diplômes sur le mur est davantage pratiqué dans les générations les plus âgées. Sur les éléments mobiliers, pas d’unanimité médicale : il semble que, comme dans la vie, les goûts en matière d’aménagement varient énormément selon les praticiens. À analyser les photos de cabinet postées sur les réseaux sociaux, on note que les médecins privilégient désormais une certaine standardisation des éléments mobiliers et des couleurs, assez proche des aménagements des Airbnb.

La question des diplômes affichés semble importante pour certains patients

Qu’en pensent les patients ? Lorsqu’on leur présente des photos de cabinet médical, leur préférence va vers une salle de consultation d’apparence confortable, personnalisée, ordonnée, spacieuse et propre. La question des diplômes affichés semble importante pour certains patients, qui y voient la preuve de compétences particulières ou actualisées.

L’« effet médecin », c’est-à-dire l’image de compétence véhiculée par le praticien et l’ambiance dans laquelle il consulte, pourrait jouer un rôle au-delà du bien-être immédiat, en améliorant la relation thérapeutique.

Pour ce qui est de la salle d’attente, les patients préfèrent un endroit qui s’éloigne de l’image hospitalière en mettant en avant une ouverture sur la personnalité du soignant par une décoration et un aménagement correspondant à ses goûts personnels. Ils insistent aussi sur l’aspect « carte de visite du cabinet » dans cette première pièce où ils sont reçus, car ils y voient une amorce de la relation médecin-malade, un élément de mise en confiance bilatérale qui favorise l’alliance thérapeutique.

Lugo S. Le bureau : élément de la personnalité du médecin et outil de communication avec ses patients. Thèse 2014
Groscol M. La salle d’attente en médecine générale et sa place dans la relation du soin du point de vue des patients. Étude qualitative à partir d’entretiens semi-dirigés et iconographie. Thèse 2022
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Source : Le Quotidien du Médecin