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Dossier

Etude Remplact

Qui sont les généralistes remplaçants ?

Publié le 07/10/2016
Qui sont les généralistes remplaçants ?

Ouverture
GARO/PHANIE

Très peu représentés dans les instances professionnelles et souvent en marge des grands débats qui concernent les généralistes, les remplaçants restent encore une entité mal connue. Avec le troisième volet de son étude REMPLACT, le syndicat qui les représente, ReAGJIR, brosse un portrait de cette population médicale plutôt féminine et très jeune. Si la plupart se disent prêts à travailler davantage, la majorité vivent ce statut comme une situation temporaire.

Difficile à dénombrer, les généralistes remplaçants sont encore relativement mal connus. D’après le dernier atlas de la démographie médicale du CNOM, on en dénombrerait pourtant 5764 sur le territoire français. Internes, non thésés ou thésés, retraités, médecins à activité mixte avec des lieux d’exercice mouvants, difficile d’établir un instantané de ceux qui forment la population des remplaçants.

En 2010, le syndicat ReAGJIR (Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants) sortait le premier volet de l’étude REMPLACT qui dressait le portrait de cette population avec pour but de « quantifier et qualifier l’activité des remplaçants en France ». Cet été, le syndicat a réalisé le troisième volet de cette étude permettant d’actualiser cette photographie.

Un passage naturel
Et en six ans peu de choses ont changé dans les grandes caractéristiques des remplaçants en médecine générale. C’est une population très majoritairement féminine puisque, d’après l’étude REMPLACT, 70 % sont des femmes. Une donnée logique si l’on considère l’âge moyen des remplaçants dans l’enquête qui est de 31,7 ans et la féminisation de la profession qui arrive avec les nouvelles générations. Des chiffres cohérents avec ceux du CNOM, selon lequel la population des médecins remplaçants de moins de 34 ans comprend 72 % de femmes.

La vie de remplaçant semble, en revanche, de plus en plus un passage naturel pour les futurs ou tous récents généralistes. D’après l’enquête de l’Isnar-IMG (Syndicat des internes en médecine générale), en 2013, 55 % des internes en médecine générale se voyaient, en effet, remplaçants à la fin de leur internat. Les enquêtes d'il y a dix ans, montraient déjà que 9 généralistes sur 10 avaient remplacé avant de s’installer. Il n’est donc pas étonnant de trouver dans l’enquête REMPLACT que 44 % des remplaçants n’ont pas encore soutenu leur thèse et que 11 % sont même encore internes. Sachant que, pour pouvoir être remplaçant pendant l’internat il faut avoir validé trois semestres dont le stage chez le praticien.

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 C’est quasiment impossible de s’installer tout de suite

Dr Guillaume Potherat
Médecin remplaçant en Ile-de-France

Pour ces internes et non thésés, il s’agit souvent d'une phase transitoire. Mais c'est parfois du provisoire qui dure, puisqu’un nouveau généraliste, en théorie, a jusqu’à six ans après le début de son DES pour passer sa thèse. Beaucoup prolongent donc la période de remplacement au-delà de la soutenance de thèse. « C’est quasiment impossible de s’installer tout de suite, je ne connais qu’une ou deux personnes qui l’ont fait », explique Guillaume Potherat, remplaçant en Ile-de-France.

Au-delà du fait pour de nombreux nouveaux généralistes de ne pas se sentir prêts à la sortie des études, il s’agit aussi de pouvoir profiter de dernières années de liberté avant de s'engager dans une installation : « Être remplaçant, ça me permet de partir en vacances plus facilement. Je sais que lorsque j’aurais mon propre cabinet, je ne vais pas vouloir le laisser à quelqu’un d’autre et donc, je ne prévois pas d’installation avant  au moins cinq ou six ans », souligne Guillaume Potherat.

En effet, d’après l’étude, 11 % des sondés seulement avaient un projet d’installation en cours : 58 % en cabinet de groupe, 16 % en MSP, 13 % en cabinet seul, 6 % en centre de santé et 6 % en hospitalier. Ceux qui n’ont pas de projet précis en tête prévoient, malgré tout, de s’installer d’ici à cinq ans. 35 % s’imaginent dans leur cabinet dans un à trois ans et 30 % dans trois à cinq ans.

Reste que 21 % des sondés révèlent tout de même n’avoir aucun projet d’installation. Remplaçants professionnels ? « Il y a effectivement des médecins qui se plaisent dans le statut de remplaçant. Ils le considèrent comme un mode d’exercice à part entière et, souvent, ça leur permet d’avoir un exercice diversifié, de travailler ailleurs », explique le Dr Sophie Augros, présidente de ReAGJIR. Pour la généraliste, ce n’est d'ailleurs pas un problème : « On voit bien que c’est minoritaire. Et, tant que cela reste ainsi, c’est plutôt une bonne chose. Dans l’enseignement, par exemple, on voit d’un bon œil le fait d’avoir des remplaçants permanents alors pourquoi pas dans la santé ? ».

Un mode d’exercice qui en appelle d’autres
Il est vrai que le statut de remplaçant s’adapte parfaitement à ceux qui ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et souhaitent exercer la médecine générale sous différentes formes. Selon l’étude, les remplaçants travaillent en moyenne 26 semaines par an et se substituent à 6,1 médecins titulaires dans ce laps de temps, certains jonglant toutefois entre 20 médecins différents. Ce volume d’activité permet donc aux 44 % de remplaçants non thésés de pouvoir consacrer du temps à ce travail final de fin d’études. « En moyenne, je remplace six médecins par an dont trois médecins de manière fixe, mais, en ce moment, j’ai réduit à un seul remplacement fixe pour pouvoir me consacrer à ma thèse », confirme Guillaume Potherat.

Au-delà de la thèse, 32 % des remplaçants conservent une activité médicale mixte : parmi eux, 43 % sont internes, 24 % exercent dans des structures ambulatoires (PMI, crèche, EHPAD etc), 11 % à l’hôpital, 7 % en centres de santé alors que 7 % font de la formation, de l’enseignement ou de la recherche. On sait que, pour les jeunes générations de généralistes, varier les modes d’exercice et de rémunération est une demande forte. Le remplacement permet de le faire plus facilement.

À moins que cette diversification soit dictée par la nécessité. Leur bénéfice moyen sur l’année 2015 tourne autour de 29 640 euros et jusqu'à 34 587 pour ceux qui n’ont pas d’autres activités : un gros tiers du revenu moyen d’un généraliste, évalué à
75 000 euros par la CARMF. Faut-il y voir un lien de cause à effet ? 68% des remplaçants seraient prêts à travailler plus, que ce soit dans des missions de santé publique (73 %), dans la formation universitaire (67 %), dans des zones sous-dotées (57 %) ou encore en participant à la PDS (55 %) : 64% des remplaçants effectuent d’ailleurs déjà des gardes.

Pour la présidente de ReaGJIR, au-delà d’une question pécuniaire, cette envie de travailler plus traduit une vraie volonté mais aussi une difficulté à trouver sa place dans le monde médical. « Le remplacement reste limité en quantité, les médecins installés ne s’absentent pas tout le temps. Les remplaçants ne sont donc pas contre le fait d’avoir plus de travail, mais je pense qu’ils ont des difficultés à trouver des structures de soin qui leur correspondent, le bon endroit pour diversifier leur activité ».

Trouver sa place

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 Nous souhaitons que les remplaçants soient reconnus comme des acteurs à part entière, ce ne sont pas des fuyants qui refusent de s’installer

Dr Sophie Augros
Présidente de ReAGJIR

La place du remplaçant dans le système actuel est un enjeu important. Mais être intégré ou en marge du système peut être à la fois l'émanation d'une volonté politique mais aussi un choix des remplaçants eux-mêmes. « Nous souhaitons que les remplaçants soient reconnus comme des acteurs à part entière, ce ne sont pas des fuyants qui refusent de s’installer. La période de remplacement est une phase de transition, aussi bien au niveau de la formation que de l’organisation », souligne la présidente de ReAGJIR.

Leurs réponses concernant la ROSP dans l’étude montrent d’ailleurs bien que les remplaçants souhaiteraient que leur travail soit reconnu au moins à travers cet outil. 56 % d’entre eux veulent que la ROSP soit mise en place pour les remplaçants et, parmi eux, 91 % jugeraient logique qu'il y ait des critères spécifiques aux remplaçants. La participation à la PDS (83 %), la pratique médicale (89 %) ou le travail en zone fragile (90 %) étant, selon eux, des items cohérents appliqués à leur activité. « La ROSP est une reconnaissance d’un travail effectué et, sur la PDS, par exemple, on peut au moins reconnaître leur implication », abonde le Dr Augros.

D’autres sujets évoqués dans l’étude montrent, en revanche, que les remplaçants se situent parfois en marge du système actuel. 20 % n’ont par exemple pas de prévoyance. « Pour beaucoup, ils n’en voient pas l’intérêt. Il y a aussi un frein financier; au départ ils n’ont pas forcément la notion de ce qu’ils vont pouvoir toucher comme rémunération », souligne Sophie Augros. Sur l'éventualité d'un conventionnement des remplaçants, 57 % n’ont pas d’avis sur la question. Et, d'ailleurs, « seulement » 63 % connaissent les intérêts du conventionnement. « En réalité, ils ne les connaissent pas assez. Ils ne savent pas ce que cela implique, notamment en termes de rémunération. C’est un problème et un travail doit être fait à l’échelon de toute la profession », explique Sophie Augros.

Dossier réalisé par Amandine Le Blanc