Elle demeure un maillon essentiel de la scolarisation et de la réussite des élèves, mais « la médecine scolaire reste peu connue car on en parle peu à la faculté de médecine », regrette la Dr Stéphanie Jamier, médecin scolaire en Ille-et-Vilaine. De fait, les médecins de l’Éducation nationale (MEN) ont vu leur nombre diminuer (818 équivalents temps plein en 2022), ne permettant pas de couvrir les besoins. « Près de 50 % des postes sont vacants avec de grandes disparités entre départements », détaille la médecin scolaire. Même si cette situation n’est pas nouvelle, le manque d’effectif provoque des soucis d’encadrement des élèves (un médecin en ETP pour 15 624 élèves en 2022) alors que des problématiques nouvelles se présentent aux médecins déjà en poste.
Des missions vastes
À l’interface entre les familles, les équipes éducatives et d’autres acteurs du système de soin, l’éventail des missions de la médecine scolaire est très vaste. Le praticien participe aussi bien à la bonne santé des élèves qu’à la lutte contre les inégalités sociales de santé et à la prévention précoce des difficultés des enfants et du décrochage scolaire. « Notre activité est complémentaire de celle d’un médecin généraliste puisque nous menons des examens à la fois physiques et orientés sur l’apprentissage », explique Stéphanie Jamier. Ces experts du milieu scolaire et de l’enfance interviennent à différents niveaux de la scolarité des enfants et adolescents à travers des visites médicales régulières obligatoires ou à la demande. Ces visites sont l’occasion de faire de la promotion de la santé et parler d’addiction, d’hygiène ou de prévention des IST par exemple.
Auprès de l’équipe éducative des établissements, les médecins scolaires ont aussi un rôle de conseiller technique pour tout ce qui concerne les aménagements des locaux et les conditions de vie des enfants. Ils deviennent alors les formateurs des personnels scolaires et aident à la mise en place de dispositifs scolaires prenant en compte les besoins des élèves : aménagement des examens, inaptitude en éducation physique et sportive (EPS), accompagnement personnalisé…
Au-delà de ces missions traditionnelles, les médecins scolaires voient leur activité évoluer avec les élèves et la société. La prise en compte de la souffrance psychique des enfants, notamment suite à la pandémie du Covid-19 et des mesures de confinement, constitue une nouveauté dans l’activité des médecins scolaires. C’est une activité très chronophage « car il faut prendre le temps de discuter avec l’élève pour comprendre pourquoi il refuse de retourner à l’école, voir s’il n’y a pas d’autres soucis comme du harcèlement ou des troubles de l’apprentissage. Chaque cas étant différent, on tâtonne pour mettre en place les mesures nécessaires pour que l’enfant retourne à l’école », détaille Stéphanie Jamier.
Améliorer l’attractivité
De nombreuses missions que les médecins scolaires ne parviennent pas toujours à remplir du fait, en plus des soucis d’effectifs, d’un manque d’organisation et d’attractivité. La Cour des comptes note dans un rapport de 2020 qu’en 2018, 18 % des élèves ont bénéficié de la visite de la 6e année, correspondant au niveau CP en école élémentaire (26 % en 2013). Du point de vue de l’organisation, la Cour relève un cloisonnement des acteurs de la santé scolaire freinant la collaboration entre médecins scolaires et personnels infirmiers. « Sur le terrain, la collaboration est bonne, mais tout est séparé. Nous n’avons pas le même supérieur hiérarchique ou encore le même logiciel de dossiers médicaux, ce qui gêne le suivi », confirme Stéphanie Jamier.
Pour pallier ces manques, la Cour des comptes propose dans un premier temps de revaloriser les rémunérations des MEN. Des revalorisations sont déjà intervenues en 2012 et 2017 aboutissant à l’alignement de leur traitement sur celui des médecins territoriaux, soit une rémunération mensuelle de 2 160 € et de 5 000 €, respectivement en début et fin de carrière. Les juges conseillent une nouvelle revalorisation permettant de rapprocher leur traitement de celui des médecins d’inspecteurs de santé publiques.
Ce métier permet une prise en charge globale de l’enfant en dehors de son environnement familial
Dr Stéphanie Jamier, médecin scolaire en Ille-et-Vilaine
Une autre piste de réflexion consiste à améliorer la formation des médecins de l’Éducation nationale. Suite à un concours, ils intègrent l’École des hautes études en santé publique ou effectuent un stage pour les contractuels, mais cette voie ne permet « de pourvoir que moins de la moitié des postes offerts ». Pour diversifier les voies d’accès une formation spécialisée transversale (FST) est ouverte aux internes de médecine générale depuis la rentrée 2019. Elle comprend 120 heures de cours théoriques et fait de la médecine scolaire une surspécialité complémentaire avec un exercice libéral en médecine général. Elle ouvre ainsi la possibilité d’un exercice partagé avant de passer éventuellement le concours pour intégrer le corps des MEN.
Un moyen d’attirer plus de jeunes médecins vers ce métier qui, pour Stéphanie Jamier, reste passionnant car « il permet une prise en charge globale de l’enfant en dehors de son environnement familial ». D’où le besoin de faire connaître cette pratique au-delà du cercle de l’Éducation nationale. « On attire des jeunes médecins à partir du moment où ils en entendent parler », conclut la médecin.
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