Depuis six mois, l’article 51 du budget de la Sécurité sociale 2018 est fréquemment présenté comme l’un des remèdes aux maux actuels du système de santé.
Ce dispositif doit permettre d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits pour améliorer le parcours des patients, l’accès aux soins ou encore la pertinence de la prescription.
Agnès Buzyn a vanté son « pragmatisme absolu » et Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance maladie, s'est dit « convaincu » qu’il permettra d’aboutir à de « nouveaux modes de financement plus intelligents ».
À qui s'adresse-t-il, quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier d'un financement, comment se porter candidat ? Le Généraliste fait le point sur l'article 51.
Dérogations
L'objectif de ce fameux article 51 est donc d'encourager les acteurs du terrain à expérimenter de nouvelles organisations à l'échelle locale, interrégionale et nationale. Il permet aux porteurs de projets de déroger à certaines règles de financement de droit commun (sur la facturation, la tarification, le remboursement…) et d’organisation de l'offre de soins (partage d’honoraires entre professionnels de santé, limitation des missions des établissements de santé…).
L'article 51 crée également le fonds d’innovation en santé (FISS) pour accompagner financièrement les expérimentations. Celui-ci a été doté de 20 millions d'euros pour 2018.
Les projets éligibles
Pour être retenu, un projet concourir à améliorer au moins l'un des points suivants :
- la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale,
- les parcours des usagers, via notamment une meilleure coordination des acteurs,
- l’efficience du système de santé,
- l’accès aux prises en charge (de prévention, sanitaire et médico-sociales).
« Tout acteur, ou partie prenante du système de santé peut proposer et déposer un projet », précise Natacha Lemaire, rapporteuse générale du conseil stratégique de l'innovation en santé, en charge de l'article 51. Les acteurs – usagers, établissements de santé (publics ou privés), fédérations et syndicats, professionnels de santé, organismes complémentaires ou collectivités territoriales… – peuvent être porteurs de projets ou répondre à des « appels à manifestations d'intérêts », lancés par les ARS ou le ministère de la Santé.
La médecine de ville est concernée au premier chef par deux des trois appels à manifestations d'intérêts lancés en mai par le ministère : l'un pour un « paiement forfaitaire en équipe de professionnels de santé en ville » et l'autre pour des projets « d’incitation à une prise en charge partagée ».
La proposition de MG France de créer les métiers de secrétaire en pratique avancée et assistant de cabinet médical pour « libérer le médecin des tâches médico administratives » est un exemple de projet rentrant dans le cadre de l'article 51. Actuellement en discussion avec la rapporteuse générale, le syndicat devrait faire une demande d'expérimentation nationale, déclinée dans 30 à 40 sites. « Même si nous n'avons pas fini, les démarches ne sont pas trop compliquées », confie au Généraliste le Dr Jacques Battistoni.
Le président de MG France estime cependant que seuls les médecins habitués à participer à des projets se lanceront dans des expérimentations article 51. « Les médecins de base ne sont pas habitués. D’où l’intérêt qu’un syndicat porte le projet… », constate-t-il.
Candidature
Le porteur de projet doit disposer d'acteurs volontaires pour mettre en œuvre son projet et d'un terrain d’expérimentation. « Un projet ce n’est pas une idée qu’on lance, c’est quelque chose vraiment prêt à être mis en œuvre », avertit Natacha Lemaire.
Une fois les conditions réunies, le candidat adresse à l'ARS une lettre d’intention résumant le projet. L’ARS vérifie qu'il entre bien dans le dispositif. Les deux parties échangent ensuite jusqu'à compléter la lettre d’intention, qui devient un cahier des charges.
Évaluation
L’ARS transmet au conseil stratégique de l’innovation en santé un cahier des chargés évalué selon plusieurs critères (faisabilité, reproductibilité, caractère innovant, efficience).
La décision est ensuite rendue dans un délai de trois à quatre mois. S'il est favorable, l’avis du comité technique est transmis au directeur de l’ARS pour les initiatives régionales ou au ministère pour les expérimentations nationales qui autorisent le lancement de l'expérimentation par arrêté.
Les expérimentations sont évaluées dès leur lancement. Six mois après la fin des expérimentations, des rapports d’évaluation permettent aux deux instances de gouvernance du dispositif (le comité technique et le conseil stratégique) de donner un avis sur l’opportunité de généraliser le projet. Chaque année, les projets retenus seront transmis au parlement, qui décidera ou non de les généraliser.
Cinq ans d'expérimentation maximum
Pour les appels à manifestation d'intérêt (disponibles ici), les volontaires ont jusqu'au 31 juillet pour envoyer leur candidature. Pour les projets à l'initiative des acteurs, les porteurs ne sont pas contraints par un calendrier : « on s'adapte au cadre temporel du projet », note Natacha Lemaire. Les premières expérimentations devraient démarrer au dernier trimestre 2018.
Enfin, la durée maximale est de cinq ans. « Il s'agit un peu d'un pari sur l’avenir, concède la rapporteuse générale. Pour ceux qui présentent leur projet, il faut imaginer le coup d’après, que ce soit probant et rentre dans le droit commun. Mais ce n’est pas garanti. C’est le propre de l’expérimentation. »
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes