« Bonjour, notre entreprise est en cessation d’activité depuis le 26 septembre 2024… » C’est le message délivré par la boîte vocale de l’entreprise H4D, liquidée le 26 septembre, laissant sur le carreau ses clients – des collectivités territoriales, des entreprises – et entraînant de facto l’annulation des rendez-vous médicaux dans ses quelque 150 à 200 cabines connectées.
La Seine-et-Marne avait acheté depuis 2020 une dizaine de télécabines dans le cadre d’un projet global pour remédier aux déserts médicaux, avec l’appui des représentants des médecins dont l’Ordre départemental mais aussi de l’agence régionale de santé (ARS). « On reste sous le choc, c’était le coup de bambou. C’était une entreprise reconnue dont le sérieux n’avait jamais été questionné », raconte au Quotidien Anne Gbiorczyk, vice-présidente en charge de la présence médicale du département.
Un leader aux pieds d’argile ?
De fait, l’information a pris tout le monde de court. Le Département du 77 n’était pas au courant des difficultés cette société, qui se disait « leader européen de solutions de télémédecine ». Pour l’inauguration de la dernière cabine à Grisy-Suisnes (77), mise en service en janvier 2024, H4D avait revendiqué une innovation, à savoir être en capacité de prendre des rendez-vous médicaux par Doctolib. Le projet était sur le point d’être mis en œuvre après des échanges tout l’été entre les deux sociétés. En juin dernier aussi, l’entreprise annonçait le lancement de sa première cabine de téléconsultation avec de l’intelligence artificielle pour détecter les mélanomes dans les Yvelines (78), dans une zone située en zone d’intervention prioritaire.
La Seine-et-Marne va-t-elle perdre définitivement ses télécabines ? Plusieurs prestataires se sont mis sur les rangs pour remettre des médecins derrière les écrans « dans un délai raisonnable », selon Anne Gbiorczyk, assurant que le département y travaille « d’arrache-pied ». Elle souligne que, même si la fréquentation n’était pas toujours au rendez-vous, ces cabines répondaient à un besoin, surtout dans les territoires ruraux.
Pas d’évaluation des télécabines
Cette faillite relance le débat sur l’opportunité de soutenir ces télécabines, dont l’implantation a parfois eu lieu de façon désordonnée. L’Union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins libéraux Île-de-France émet aujourd’hui « des réserves quant à l’attribution de crédits à ces dispositifs, au détriment de l’aide à la création et au maintien des cabinets médicaux ». Car en dépit de la volonté des pouvoirs publics de réguler les sociétés de téléconsultation, l’URPS déplore l’absence d’évaluation solide, aussi bien en ce qui concerne le nombre de recours à ces outils connectés que le suivi des patients concernés.
L’installation par la SNCF d’ici à 2028 de 300 cabines de téléconsultation a aussi fait des vagues dans la profession.
La question de la productivité et du rendement réel de ces solutions technologiques est, elle aussi, questionnée à nouveau. « Combien de cabines à 100 000 euros pour au total 30 000 actes de soin par jour ? Le prix est démentiel ! », s’insurge le Dr Bertrand Legrand, secrétaire général de la CSMF pour les Hauts-de-France.
Prix, subventions publiques, contournement du parcours de soins, médecine « fast-food » : pour ce même responsable syndical, la faillite des cabines de téléconsultation est « une faillite du système de santé » lui-même. « La médecine ne se réduit pas à des prises de constantes ou à des consultations à distance, avance le Dr Legrand. Cette actualité ne fait que confirmer notre opposition de longue date. Le recours, par les collectivités locales, à ces cabines présentées parfois comme des solutions miracles, pour des montants d’investissement faramineux, n’était que le corollaire de l’absence de volonté de revaloriser l’exercice de la médecine de famille. »
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