Après la publication la semaine dernière d'un livre blanc sur le sujet, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a appelé à ne pas rejeter a priori « le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle », et à en entrevoir les bénéfices, lors d'un débat organisé mardi à Paris.
« À chaque époque de l’histoire de la médecine, les innovations ont suscité des appréhensions tout autant que des enthousiasmes », a lancé le président de l’Ordre, le Dr Patrick Bouet. Entre ceux qui « intiment de résister aux changements que le numérique introduit » et ceux qui enjoignent l’Ordre à « mener combat contre tout paternalisme numérique bienveillant », le Cnom a choisi « une voie sans doute plus périlleuse », a déclaré le Dr Bouet. « Nous assumons pleinement car elle se trouvera probablement plus féconde, en nous situant entre ces deux admonestations ou injonctions paradoxales », a-t-il poursuivi.
Ces derniers mois, le numérique a commencé à bousculer la santé. « Ce monde soulève des mythes », a affirmé le Dr Jacques Lucas le vice-président et délégué au numérique du Cnom. « Nous comprenons l’inquiétude sur la protection des données de santé. Mais le traitement des data peut être bénéfique. »
Déjà un pas dans le futur
Si les Français sont inquiets, ils ont, sans le savoir, déjà un pied dans ce nouveau monde. « Nos citoyens sont très attentifs à leurs données alors qu’ils en déversent largement sur les réseaux sociaux. C’est un paradoxe, nous sommes dans une société qui fait plus confiance à Google », a constaté le Dr Jacques Lucas.
Les intervenants du débat se sont d'ailleurs accordés à dire que le recours aux nouvelles technologies est déjà bien enclenché et que de nombreuses données de santé sont déjà stockées. Dominique Polton, présidente de l’Institut national des données de santé a ainsi rappelé que la France dispose d’un patrimoine de données médico-administratives très important. « Cela reste un outil assez exceptionnel et sous-utilisé, a-t-elle souligné. Le problème de la France c’est de développer des usages utiles. »
Pour le Pr Guy Vallancien, chirurgien et membre de l’Académie nationale de médecine, la France est même « à la ramasse ». « Nous sommes en train de perdre le leadership de la connaissance en IA. Ça ne me dérange pas qu’une machine aille me trouver un diagnostic auquel je n’aurais jamais pensé. Je ne suis pas inquiet de laisser un pan d’action à la machine », a-t-il clamé.
Garder le contrôle
La démarche de l'Ordre n'a cependant rien d'un chèque en blanc. Le Dr Jacques Lucas s'est montré très ferme vis-à-vis des acteurs commerciaux de téléconsultation. « Il y a un véritable problème avec ces sociétés privées qui font de la téléconsultation ou du télé-conseil personnalisé. Nous sommes en train de faire une synthèse des publications sur le sujet, à paraître dans les jours qui viennent », a indiqué le vice-président de l'Ordre.
Revoir l'intégralité du débat :
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