Le premier « centre de télémédecine » est entré en gare SNCF

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Publié le 25/04/2025
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Un an et demi après la polémique, un premier espace de télémédecine expérimental a ouvert en gare d’Épinay-sur-Orge (Essonne). Lauréate de l’appel d’offres de la SNCF, la société Doxamed prévoit de déployer des centres dans plus de 300 gares d’ici à 2028.

L’infirmière Corinne Moussard, au sein de l’espace de santé de la SNCF, à Épinay-sur-Orge

L’infirmière Corinne Moussard, au sein de l’espace de santé de la SNCF, à Épinay-sur-Orge
Crédit photo : Aude Frapin

Depuis février, l’infirmière libérale Corinne Moussard se rend chaque matin à l’espace de santé connecté d’Épinay-sur-Orge pour recevoir et assister des patients. La structure de 52 m², située au pied des rails, comprend une salle d’attente, une salle de soin et de téléconsultation ainsi qu’une salle de prélèvements. La soignante y voit aussi bien des habitants que des voyageurs de passage. « Une dame a profité d’une visite chez son père pour une prise de sang. Un autre monsieur vient chaque jour pour renouveler son pansement », témoigne-t-elle.

Premier du genre dans une gare SNCF, ce centre permet des téléconsultations médicales assistées grâce à une dizaine de généralistes, psychiatres ou infectiologues joignables en visio via la plateforme Télédoc. « Pour ma part, je prends les constantes, je saisis le motif de consultation, scanne la carte Vitale, et le médecin peut alors se connecter. Je viens en appui du médecin et je peux, si besoin, utiliser la caméra main pour voir le fond de la gorge, utiliser un otoscope et un stéthoscope en pneumologie ainsi qu’en cardiologie », détaille l’infirmière. Un travail d’équipe, insiste-t-elle.

Nous sommes en discussion avec des maires qui semblent très intéressés

Arnaud Molinié, président de Doxamed

Depuis son ouverture, une bonne centaine de patients ont été pris en charge : téléconsultations, soins infirmiers et prélèvements. Les motifs de recours sont variés – états grippaux, dépistages, vaccinations… « Quasiment pas de demandes d’arrêt de travail ! », précise l’infirmière, désamorçant les critiques. Derrière ce projet, Arnaud Molinié, président de Doxamed (ex-Loxamed), entend réduire les difficultés d’accès aux soins dans les zones de grande fragilité médicale. « Ici, nous sommes en Zip [zone d’intervention prioritaire], c’est un territoire en tension et les médecins sont déjà au maximum au niveau de leur patientèle », précise-t-il. Toutes les implantations sont censées s'intégrer dans le cadre de projets territoriaux de santé pilotés par les ARS, en lien avec les élus locaux.

« Rien à voir avec une télécabine »

Doxamed revendique un modèle gagnant-gagnant, au prix d’une consultation de secteur 1 remboursée par l’Assurance-maladie. « Aucun dépassement n’est facturé », assure Arnaud Molinié, précisant également qu’aucune commission n’est prélevée aux médecins engagés. Le coût total d’un centre de télémédecine reste confidentiel mais il serait inférieur à 200 000 euros. Objectif désormais : convaincre les collectivités et acteurs locaux intéressés de cofinancer le déploiement du projet dans toute la France.

C’est à la fin de 2023 que la SNCF via sa filiale Retail & Connexions a choisi Doxamed à l’issue d’un appel d’offres. L’entreprise s’était illustrée durant la pandémie avec ses centres mobiles de dépistage. Elle prévoit d’installer plus de 300 espaces similaires d’ici à 2028, dans les zones médicalement sous-dotées. « Nous sommes en discussion avec des maires qui semblent très intéressés », assure le PDG de Doxamed.

À l’époque, l’annonce de centres de télémédecine dans les gares avait suscité une levée de boucliers dans le monde médical. Certains syndicats avaient dénoncé un « scandale » et pointé du doigt des « cabines à fric », symboles d’une médecine « low cost ». L’Ordre s’inquiétait de voir se développer une « activité commerciale », qu’il considérait comme un pas de plus vers la « financiarisation » du système de santé. Près de deux ans plus tard, Arnaud Molinié défend plus que jamais son concept. « Vous voyez, on est très loin de simples télécabines. Cela n’a rien à voir, s’attache-t-il à montrer, désignant l’espace qui l’entoure. Les médecins avec qui nous travaillons refusent de faire de la téléconsultation non assistée comme il est possible de le faire dans des cabines de pharmacie ou supermarchés. C’est toute la différence avec les cabines en libre-service ».

Aude Frapin

Source : Le Quotidien du Médecin