Dr Nicolas Houdre *

Plan blanc au CH de Valenciennes, des enseignements stratégiques

Publié le 23/06/2016
Dans le contexte actuel, le traitement de l’information critique et l’organisation de recours revêtent une importance vitale. Un partenariat entre une organisation dédiée dans l’établissement, une procédure sans concession aucune à l’efficacité et s’appuyant sur le très innovant outil Surycat (Prix Blaise-Pascal 2016) a permis de conduire un exercice plan blanc en grandeur réel aux résultats exceptionnels et riches d’enseignements.
visuel Nicolas Houdre article Blum

visuel Nicolas Houdre article Blum

Scénario en conditions réelles
Suite aux attentats qui ont récemment touché la France et la Belgique et le déroulement de l’Euro de football, l’établissement a testé son protocole plan blanc le 7 juin (Exercice Amavi).
Le scénario retenu pour déclencher l’alerte consistait en un accident autoroutier incluant un autobus et plusieurs véhicules légers. Suite à ce faux accident, 67 « blessés », des élèves de l’Institut de formation aux métiers de santé (IFMS) de Valenciennes, ont été admis aux urgences. Ces derniers n’ont été prévenus de la date de l’exercice que la veille pour garder au maximum le secret. Contrairement à la plupart des tests plan blanc, aucun professionnel de l’établissement, hormis les cinq organisateurs (4 urgentistes et la directrice de l’IFMS), ne connaissait la date de déclenchement de l’exercice. Toute la difficulté de cet exercice était de continuer de recevoir le flux réel des urgences tout en prenant en charge les « fausses » victimes.

Un exercice au bout de la réalité
Un rappel effectif du personnel de la cellule de crise, des urgences et du bloc opératoire a été réalisé. Pour ce faire et après un test « à blanc » réussi (zéro défaut) portant sur plus de 2 800 personnes, la plateforme de rappel de la société Surycat a été utilisée pour la première fois en conditions réelles. En huit minutes, celle-ci a diffusé des messages préétablis et sur mesure par mail, SMS et téléphone plus de 100 personnes. Les plans opérationnels internes (POI) des urgences, du bloc opératoire et de la réanimation ont également été déclenchés pour la première fois. Au moment du déclenchement, les urgences accueillaient 47 patients réels. Ceux-ci ont alors été orientés vers les services de soins avec l’aide du médecin coordinateur de la cellule de crise. Pour cela, une requête informatique utilisant notre GAM (gestion administrative du malade) a été utilisée, permettant de connaître en temps réel le nombre de lits disponibles dans l’établissement. Une boîte mail fictive de l’agence régionale de santé (ARS) a été créée. Celle-ci permettait aux animateurs d’envoyer des mails afin de demander la capacité d’accueil et l’identification des victimes.
Ces 67 victimes étaient composées de 8 urgences absolues (UA), 40 urgences relatives (UR) et de 19 impliqués. Il y avait 9 enfants (1 UA et 8 UR). Le dossier unique patient de l’établissement a géré les entrées, les examens cliniques, les prescriptions d’examens paracliniques ainsi que médicamenteuses. Le tableau des urgences, projeté au niveau de la cellule de crise, a permis de suivre la situation en temps réel.


Qualifier les circuits patients en situation d’urgence complexe
Les « blessés », positionnés à l’IFMS, ont été adressés aux urgences par 3 ambulances de sapeurs-pompiers (VSAV), par une équipe médicalisée Smur ou se sont rendus aux urgences par eux-mêmes (évacuations sauvages). Les victimes ont toutes été accueillies aux urgences. Deux médecins et deux infirmières étaient chargés de l’accueil et du tri. Les patients ont ainsi été orientés en fonction de leurs pathologies : en salles d’urgences vitales pour les UA, en secteur UR, aux urgences pédiatriques, au bloc opératoire, en réanimation ou dans une salle spécifique dédiée aux impliqués. Dans les salles d’urgence vitale, l’équipe était composée de deux médecins et deux infirmières. Aux urgences relatives, quatre médecins et six infirmières ont été rappelés. Une équipe Smur supplémentaire a été constituée. L’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) des urgences était dédiée au flux de patients ne faisant pas partie de l’exercice. Deux médecins et trois infirmières y étaient postés. Au bloc opératoire, l’ensemble du personnel est resté en poste. Il a accueilli douze patients (Trois UA dont une pédiatrique et neuf UR). Le service de réanimation a admis trois patients. Le service mortuaire a reçu deux patients décédés. Enfin, les services de chirurgie ont également reçu des patients (les UR dont le bloc pouvait être différé et les patients sortant du bloc opératoire). Une salle spécifique dédiée aux impliqués a été installée à l’internat (en face des urgences) et gérée par des psychiatres et par des infirmières du service des consultations. Ils ont accueilli les 19 impliqués ainsi que les UR post-soins qui ne nécessitaient pas d’hospitalisation.
La pharmacie a acheminé les armoires dédiées au plan blanc vers les différents services critiques. Les services logistiques ont également été mis à contribution. Ils ont fourni plus d’une centaine de repas pour les plastrons ainsi que pour le personnel en poste. Le service anti-malveillance de l’hôpital a sécurisé l’ensemble des accès. Des agents de sécurité, dépendant d’une entreprise extérieure, ont été rappelés en renfort. Enfin, les cadres infirmiers de l’IFMS ont joué le rôle des familles. Ils ont contacté le standard et/ou se sont présentés à l’accueil de l’hôpital. Ils ont été accueillis dans un local dédié par des agents administratifs.

Améliorer les pratiques encore et toujours
Ce jour-là, les urgences du CHV ont reçu 180 patients « réels ». Cette difficulté supplémentaire est un biais car, en cas de plan blanc avéré, ces entrées seraient, pour la plupart, orientées par le Samu vers les hôpitaux moins impactés par la crise. Cet exercice de grande ampleur a été un succès. De nombreux points positifs sont à souligner, notamment le système de rappel automatique, l’adhésion totale de l’ensemble du personnel et l’absence d’erreurs d’identito-vigilance. Certains axes d’améliorations ont également été mis en évidence. Des corrections dans les procédures ont d’ores et déjà été apportées pour une mission de service public toujours plus efficiente.
Ces éléments nous confortent dans l’idée que l’outil numérique est avant tout une aide et un facilitateur de la prise en charge des patients par sa simplicité, sa robustesse, sa fiabilité, son adaptation et le caractère accessible de son coût. Je pense qu’en l’occurrence, en situation d’urgence complexe et absolue nous avons démontré concrètement, en partenariat avec Surycat, la réalité d’une solution opérationnelle très efficiente.

*Référent Smur, médecine d’urgence et de catastrophe, président de la commission des systèmes d'information 

Note : Le CHV est le troisième hôpital de la nouvelle région des Hauts de France après les Chu de Lille et d’Amiens. Il compte au total près de 2 000 lits. Il est l’établissement support du futur Groupement hospitalier de territoire du Hainaut-Cambrésis (800 000 habitants).

Série sous la direction de Jean-Pierre Blum.  

Source : lequotidiendumedecin.fr