Le Health Data Hub poursuit ses activités malgré les controverses. En janvier dernier il a dû retirer temporairement sa demande d'autorisation auprès de la Cnil à cause du retard pris dans la publication des textes d'application. Ce qui lui aurait permis de transférer des bases médicales de façon permanente. Qu'en est-il dans la pratique? Les procédures ne sont que plus lentes et les autorisations de la Cnil seront accordées projet par projet, raconte un article du Monde du 27 janvier dernier. Mais depuis la naissance de cet entrepôt de données national en 2019, un des grands enjeux autour de la recherche, la polémique sur la plateforme Azure de Microsoft (voir encadré) aurait miné la confiance des acteurs. Qu'en est-il réellement sur le terrain ?
Certains acteurs comme Christophe Nioche, ingénieur de recherche à l'Inserm et exerçant au laboratoire d'imagerie translationnelle en oncologie, parlent de guerre des datas à l'hôpital : « Non seulement des structures comme le Health Data Hub ayant comme vocation de rassembler les datas et de les pooler se mettent en place, mais sur des sites différents, pire c'est aussi la guerre entre les sites d'un même établissement. » Le Health Data Hub est cette instance de l'État lancée en grande pompe en 2019, et chargée de centraliser certaines bases de données prioritaires, comprenant pour certaines des données hospitalières, afin de faire avancer des projets de recherche en data.
Institut 3IA
Plus surprenante est la position d'un des trois copilotes de la préfiguration du Health Data Hub, Marc Cuggia, par ailleurs responsable du centre de données cliniques du Chu de Rennes. Selon ce médecin, le rapport Villani publié en mars 2018 a été très structurant dans la data en santé, par la création par exemple des instituts 3IA. Mais nous aurions raté le coche en mettant en place seulement 4 instituts 3IA : « Nous aurions dû construire un institut 3IA sans murs, à savoir élaborer une stratégie en réseau d'emblée sur l'IA en santé ». Le coordonnateur du réseau interrégional des centres de données cliniques était pourtant favorable à une infrastructure dynamique nationale. Mais contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne qui réalisent vraiment du translationnel en numérique, cela ne s'est pas passé de la sorte dans l'Hexagone. Son constat est même sévère : « L'idée de concentrer les données de façon centralisée dans un catalogue est contre-productive et relève du hors-sol. Le risque est d'obtenir un deuxième DMP. »
Coconstruction d'un hub national
Y a-t-il eu une dérive ? Selon Marc Cuggia, il était pourtant question dans le projet initial du Health Data Hub de coconstruction d'une plateforme nationale en lien avec des hubs territoriaux. Au-delà du manque de moyens (voir article perle rare), une autre notion contre laquelle s'insurge Marc Cuggia est celle de « producteur de données » : « Il s'agit d'une vision très modélisée d'ingénieur qui modélise des cas d'usage. Nos centres font de la recherche, du soin dans un maillage très intime avec les unités de recherche. La production de données n'est pas l'esprit de la data. »
Réinstaurer la confiance
Dans cette logique, la Fédération hospitalière de France appelle à réinstaurer un travail de confiance et de collaboration. Cécile Chevance (FHF) ne peut envisager un HDH sans les données des Chu, « des locomotives en matière de recherche en santé publique ». Selon elle, les données ne seraient pas encore vraiment partagées, « restant dans une bulle sécurisée et ne permettant pas encore de retour du HDH vers les données de l'entrepôt au niveau local ou vers le groupe de Chu... » Même en termes de sécurité d'hébergement, Cécile Chevance préconise de « mettre en place des hébergements miroir multipliés plutôt qu'avoir toutes ses données au même endroit ».
D'autres acteurs sont favorables au HDH. C'est le cas de Jean-Christophe Calvo, chef du département territorial de la transformation numérique et de l’ingénierie biomédicale au CHRU de Nancy : « : « Depuis leur souhait originel d’agréger toutes les données hospitalières, les équipes du HDH ont revu leur copie. Elles ont très vite compris que l’approche initiale ne convenait pas et qu’il leur fallait adopter une démarche vers l’usage. » D’où par exemple l’intérêt de colliger des données en cardio provenant de plusieurs établissements de santé et de les rapprocher de la base Sniiram. Bref, le HDH serait plutôt facilitateur en la matière afin de permettre aux hôpitaux d’avancer dans leur structuration. Mieux, selon M. Calvo, il y aurait même une volonté du HDH d’aider les établissements et de les accompagner dans les procédures à réaliser, avec un souhait commun de simplification de celles-ci.
Réflexe propriétaire
Et qu'en pense la principale concernée, la directrice du Health Data Hub, Stéphanie Combes ? Elle souligne qu'une partie des établissements a franchi une étape dans cette démarche autour de la data. Certes, la loi de 2019 qui a créé le HDH et donc instauré le principe de partage des données a un caractère opposable. Mais pour autant, selon la directrice, elle ne doit pas s'appliquer de manière aveugle et sans être à l'écoute des acteurs du terrain. Et d'analyser leur positionnement de résistance : « Une partie du réflexe propriétaire est liée au modèle économique : la puissance publique demande à des acteurs publics de trouver des financements pour créer leurs bases de données et les mettre en qualité. Ils doivent donc faire des choix entre différents projets ; et ensuite le HDH arrive en application de la loi pour leur demander d'ouvrir leurs données et en faire bénéficier la communauté. Bref, cela crée une injonction contraire qui n'est pas forcément bien accueillie par les acteurs qui ont souvent réalisé un effort considérable pour construire les bases et qui cherchent un retour sur investissement. » Beaucoup a déjà été fait en deux ans depuis la naissance de la plateforme nationale, la plateforme technologique a été mise en production en seulement un an tandis que le DMP a mis quinze ans pour se déployer. Enfin, autre avancée en peu de temps, la création du consortium à l'échelle européenne de l'Espace européen de données de santé est déjà une réussite d'entente entre différents pays. Pour redonner de la confiance, la directrice mentionne un nouveau système de tarification et à terme l'instauration d'une politique nationale de financement des bases de données. Le décideur (ministère) y travaille fortement, assure-t-elle.
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