Fin de vie : en commission, les députés s’accordent sur un « droit » à l’aide active à mourir

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Publié le 05/05/2025

La dernière version de la proposition de loi ouvrant un « droit à l’aide à mourir » et ses dernières modifications en commission continue de diviser. Un avis de la Haute Autorité de santé est attendu pour éclairer l’examen en séance publique à partir du 12 mai.

Le député Olivier Falorni lors des débats sur la fin de vie en mai 2024

Le député Olivier Falorni lors des débats sur la fin de vie en mai 2024
Crédit photo : Jacques Witt/SIPA

La dernière version de la proposition de loi, telle que votée en commission des affaires sociales ce vendredi 2 mai, prévoit désormais « un droit à l’aide à mourir », et non plus une simple possibilité. Le texte d’Olivier Falorni (groupe MoDem), soutenu par la majorité des représentants de la gauche et des groupes macronistes, et vilipendé par le RN et Les Républicains, a été approuvé par 28 députés contre 15, et une abstention.

Ce texte est issu du projet de loi « relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie » que la ministre de la Santé Catherine Vautrin avait défendu au printemps 2024, avant que la dissolution de l’Assemblée ne coupe court aux débats. La copie initiale du gouvernement a depuis été scindée en deux. La commission des affaires sociales a approuvé à l’unanimité le 11 avril une proposition de loi sur les soins palliatifs défendue par Annie Vidal (Renaissance). Les débats dans l'hémicycle sur les deux textes commenceront le 12 mai pour deux semaines, avec une discussion générale commune, et deux votes solennels prévus le 29 mai. Les députés y auront dans tous les groupes une liberté de vote.

Débats autour du critère du pronostic vital

Tout au long de l’examen en commission, Olivier Falorni et ses quatre co-rapporteurs, dont trois députés de l'opposition, ont affiché leur volonté de rester au plus près de « l'équilibre » du texte proposé (qui reprend celui auquel étaient parvenus les députés avant la dissolution). In fine, seuls 68 amendements sur plus de mille en discussion ont été adoptés. L’inscription noir sur blanc des termes « euthanasie et suicide assisté », réclamée par les députés LR Philippe Juvin, Thibault Bazin, Patrick Hetzel a été rejetée, tout comme les conditions auxquels ils voulaient soumettre la procédure d’aide active à mourir ; a aussi été repoussée la possibilité d'exprimer son choix concernant l'aide à mourir dans des directives anticipées, voulue par les députés de la gauche.

Ainsi l'article-clé du texte définissant les critères d'éligibilité à l'aide à mourir n'a-t-il été retouché qu'à la marge. Ces cinq critères cumulatifs sont : être âgé d'au moins 18 ans ; être français ou résidant en France ; être atteint d'une « affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; présenter « une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement » ; et être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Comme en 2024, les débats ont été vifs autour de la notion de pronostic vital engagé, toute la difficulté étant son évaluation. Des députés de tous bords ont souligné le flou de la formulation, comme Annie Vidal. Le Républicain Philippe Juvin a jugé que la formule « engageant le pronostic vital » ne veut « rien dire si on ne précise pas le délai ». Le terme « “phase avancée” est une expression qui ne repose sur aucun consensus médical clair, a estimé le député Horizons François Gernigon. Elle crée une incertitude dans la prise de décision et peut entraîner des disparités dans l’application du droit selon les professionnels ou les établissements », a-t-il explicité. En réponse, les partisans du texte ont insisté sur la dimension cumulative des cinq critères. « La souffrance liée à l’affection constitue le cœur du texte », a défendu Olivier Falorni.

Un avis de la Haute Autorité de Santé (HAS), saisie en 2024 par Catherine Vautrin, est attendu avant l'examen en séance publique. Selon Le Monde, la HAS devrait confirmer le caractère scientifiquement peu fiable d’une prédiction du temps restant à vivre pour une personne ; et définir la notion de « phase avancée » d’une maladie comme un stade irréversible qui affecte la qualité de vie du malade. L’institution devrait inviter les médecins à prendre en compte le ressenti et la subjectivité de la personne.

L’auto-administration n’est plus la règle

Autre changement, de taille cette fois, les députés ont décidé de laisser aux patients le libre choix entre une auto-administration du produit létal et l'administration par un soignant, alors que le texte initial prévoyait que celle-ci ne soit possible que lorsque le patient « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder ». Une évolution contestée notamment par la députée Horizons et ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo, qui a toujours voulu que les soignants ne soient impliqués qu’exceptionnellement, tandis que la règle devait être l’auto-administration.

D’ici au 12 mai, les rapporteurs se sont par ailleurs engagés à retravailler la question de la collégialité de la décision. En l’état actuel, le texte prévoit que le médecin sollicité par le patient décide seul s'il est éligible, après avoir recueilli l'avis d'au moins un autre médecin et un autre soignant.

« Ce texte ne protège ni les patients ni les soignants. Il impose la mort comme une réponse facile à la maladie, sans garantir les conditions d’un vrai choix », a réagi la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), la Dr Claire Fourcade.

C.G. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr