Les députés ont adopté à l’unanimité (560 voix pour, zéro contre) la proposition de loi sur les soins palliatifs et à une large majorité (305 voix pour, 199 contre) celle sur l’aide active à mourir. Tous les orateurs, à commencer par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet, ont salué la sérénité et la tenue des 100 heures de débats dans l’Hémicycle, au cours desquelles plus de 2 500 amendements ont été examinés. « Nous avons légiféré avec la main qui tremble », a déclaré Agnès Firmin Le Bodo (Horizons), cheville ouvrière du projet de loi initial.
Les deux textes viennent en effet d’un projet présenté par le gouvernement au printemps 2024, lui-même inspiré de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique et des conclusions d’une convention citoyenne, dont l’examen à l’Assemblée nationale avait été stoppé net à cause de la dissolution décidée par Emmanuel Macron.
Une aide à mourir encadrée
La proposition de loi sur l’aide à mourir, portée par Olivier Falorni (Modem), a continué à diviser les députés qui avaient leur liberté de vote, au-delà de leur groupe, les rangs de la droite étant plutôt réticents. Le droit à l’aide à mourir « consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ». L’autoadministration est donc la règle, l’intervention d’un tiers, l’exception, ont rétabli en séance publique les députés, alors qu’en commission, ils avaient voulu laisser au patient un libre choix entre suicide assisté et euthanasie.
Pour être éligible, le patient doit remplir cinq conditions cumulatives. Deux sont administratives : être majeur et de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France. Il faut aussi être atteint « d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée » ou « terminale ». Les députés ont précisé que la phase avancée se caractérise par « l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie », en s’inspirant de l’avis du 6 mai de la Haute Autorité de santé (HAS). Il faut aussi présenter « une souffrance physique ou psychologique constante » qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne » lorsqu'elle a « choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter » un traitement. Une souffrance psychologique seule « ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l'aide à mourir », ont ajouté les députés en séance publique. Enfin, le patient doit être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Une personne dont le discernement est « gravement altéré » ne peut être éligible.
Les députés ont tenu à renforcer la collégialité de la procédure. Le patient doit faire sa demande auprès d'un médecin « qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit. » Ceci, « par écrit ou par tout autre mode d'expression adapté à ses capacités », et hors téléconsultation. Pour vérifier l’éligibilité du patient, le médecin organise une réunion à laquelle participe a minima un spécialiste de la pathologie, un soignant intervenant dans le traitement du malade et lui-même, en présentiel si possible. Le médecin peut également convier d’autres professionnels de santé, mais pas obligatoirement un psychiatre (contrairement à ce qu’aurait souhaité le gouvernement en cas de doute sur le discernement). Le médecin prend in fine seul la décision, à la lumière de ces échanges.
Le médecin doit notifier sa décision au patient « dans un délai de quinze jours à compter de la demande » puis le patient a un délai de réflexion « d’au moins deux jours » avant de confirmer sa demande, ont rétabli les députés dans l’Hémicycle, en votant un amendement de Catherine Vautrin. Si la confirmation « intervient plus de trois mois après la notification », le médecin « évalue à nouveau le caractère libre et éclairé » de la demande. Idem si la date fixée pour l'administration de la substance létale est postérieure de trois mois à la notification. Le patient peut renoncer, à tout moment, à sa demande.
Pour l'administration, le demandeur est accompagné par un médecin ou un infirmier, qui peut être différent du premier médecin chargé de prescrire la substance létale. Le patient choisit le lieu et la date de l'administration de la substance létale, ainsi que les personnes qui l'entoureront le moment venu. La HAS est chargée de définir « les substances létales susceptibles d'être utilisées ».
Tout médecin ou infirmier peut faire valoir une clause de conscience lui permettant de refuser de pratiquer l'aide à mourir. Ils doivent alors communiquer à la personne le nom de professionnels disposés à le faire. Le texte prévoit également un délit d'entrave à l'accès à l'aide à mourir, similaire à celui en place pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG). Il est puni de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende. Une commission de contrôle est chargée notamment de vérifier le respect des procédures.
Un droit opposable aux soins palliatifs
La loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, portée par Annie Vidal, qui fait consensus parmi les députés, instaure un droit opposable aux soins palliatifs, c’est-à-dire la possibilité de recours en justice lorsque ce droit ne serait pas respecté. Déclinaison de la stratégie 2024-2034, elle prévoit la création de maisons d'accompagnement et de soins palliatifs, structures médico-sociales pour héberger des patients de tout âge, en fin de vie, dont l’état médical est stabilisé mais qui ne peuvent ou ne souhaitent pas rester chez eux. Une quinzaine d'établissements seraient mis en place pour une première expérimentation.
La loi prévoit qu’un plan personnalisé d'accompagnement soit proposé aux patients ayant une maladie grave ou en début de perte d'autonomie liée au vieillissement, notamment. Ce plan est consacré à la prise en charge « sanitaire, psychologique, sociale et médico‑sociale du patient et de son entourage ». Une programmation pluriannuelle doit déterminer, avant fin 2025 puis tous les cinq ans, la trajectoire de développement de l'offre de soins palliatifs.
En revanche, l’article 8 consacré à la formation des soignants aux soins palliatifs, qui prévoyait notamment la création d’un DES de soins palliatifs, a été rejeté en raison d’un dissensus sur l’éventualité d’y insérer un volet obligatoire sur l’aide active à mourir.
Les textes doivent désormais être examinés en première lecture au Sénat, probablement à l’automne. « Je suis assez réservé personnellement sur le texte aujourd’hui », a déjà fait savoir Gérard Larcher.
Lois fin de vie : l’exercice démocratique salué, mais des divisions sur le fond
Gynécobus, santé mentale, handicap : le podium du collectif Femmes de santé en 2025
Procès Le Scouarnec : le maximum de 20 ans de réclusion requis avec rétention de sûreté
Les députés précisent la procédure pour demander une aide active à mourir