Face à la baisse toujours plus inquiétante du nombre de ses médecins libéraux, l’Allemagne réfléchit à une nouvelle réforme de l’organisation et de l’accès aux soins, qui pourrait notamment passer par le retour des médecins traitants qui filtreraient l’accès aux spécialistes, un système abandonné il y a une trentaine d’années… presque au moment où la France le mettait en place.
Réunissant l’Ordre et les syndicats, le traditionnel Congrès annuel des médecins allemands, qui vient de se tenir à Mayence, a rappelé qu’un médecin sur quatre est âgé aujourd’hui de soixante ans ou plus, et réclame une réorganisation de l’organisation des soins pour faire face à la vague de départs à la retraite qui ne fera que s’amplifier dans les années à venir.
« En raison du manque de temps et de médecins, nous ne pouvons plus accueillir des patients sans aucun filtre, ni aucune logique », expliquait un délégué de l’Ordre lors du débat sur la réforme de l’accès aux structures de soin, avant que les représentants des 17 ordres régionaux n’adoptent un document de travail dans ce sens. « La coordination est inévitable et indispensable », ont ajouté les membres du Congrès. En pratique, les patients devraient « s’inscrire » auprès du généraliste de leur choix, et s’engager à lui rester « fidèle » pendant une période restant encore à définir, de même que les sanctions en cas de non respect. Par contre, les gynécologues et les ophtalmologistes pourraient toujours être consultés sans ce passage par le généraliste.
Gare à la régulation des spécialistes
Outre le retour au médecin traitant, qui permet de mieux coordonner les soins, le congrès préconise une réforme du 3e cycle et des spécialisations. L’Ordre des médecins, qui dispose d’importantes compétences dans son organisation et son contenu, réfléchit à son raccourcissement, afin que les jeunes médecins spécialistes puissent exercer plus rapidement. En Europe, la durée minimale du 3e cycle est de trois ans, mais peut atteindre cinq ans dans certains pays.
En revanche, le président de l’Ordre, le Dr Klaus Reinhardt, rejette toute régulation du nombre de spécialistes à l’entrée en 3e cycle, les étudiants devant pouvoir continuer à choisir librement leur spécialité. Selon lui d’ailleurs, le concours classant français est à l’origine des « déserts médicaux », qui « condamnent 7 millions de Français à vivre éloigné de tout médecin ».
Les « kiosques de santé » aux oubliettes
Le ministre de la Santé Karl Lauterbach a renoncé pour sa part à son projet controversé de « kiosques de santé » où des infirmiers accueilleraient les patients dans certaines zones sous dotées en médecins, mais maintient sa volonté de réorganiser les accueils d’urgence et la permanence des soins. Il rappelle qu’un tiers des consultations aux urgences hospitalières est médicalement injustifié, et invite les médecins libéraux à renforcer leurs systèmes de garde et d’appels, en premier lieu le 116 117 européen qui reste sous utilisé.
Parmi de nombreux autres thèmes, le congrès est revenu sur sa volonté de mieux encadrer les centres de santé gérés par des sociétés financières, sur la sellette comme en France après plusieurs scandales. En février, la publication de documents internes de ces centres, montrant comment « profitabiliser au maximum l’activité des médecins » avait jeté une lumière crue sur leur mode de fonctionnement.
Les médecins allemands préoccupés par la montée de l’antisémitisme dans leurs rangs
Lors du congrès de Mayence, les 250 délégués des Ordres régionaux des médecins allemands ont rappelé solennellement leur rejet de toute forme de racisme et d’antisémitisme, tant dans la société en général qu’au sein même des structures de santé. Soulignant que le système de santé allemand ne pourrait plus fonctionner sans l’aide de professionnels étrangers, le congrès exprime sa préoccupation face aux violences racistes et xénophobes qui se multiplient dans le pays, parallèlement à la montée du populisme, incarné notamment par le parti AFD (Alternative pour l’Allemagne).
Le Congrès a constaté que des médecins adhèrent ouvertement à ces idéologies, et propagent sur les réseaux sociaux des propos et des slogans antisémites, surtout depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël. Le président des médecins juifs allemand a confirmé l’augmentation des propos antisémites au sein d’une petite partie du corps médical mais aussi chez les étudiants. Certains responsables ordinaux et universitaires estiment, avec lui, que les futurs médecins professant publiquement de telles idées devraient être privés du droit de passer leur thèse.
En Allemagne, le corps médical fut la profession qui, avec les juristes, adhéra le plus massivement aux thèses nazies des années 30 jusqu’à 1945.
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