Si la nomination doit encore recevoir l’approbation du Sénat américain, Donald Trump a fait part de son intention de placer Robert F. Kennedy Junior, l’une des figures du mouvement antivax américain, à la tête du secrétariat d’État à la santé. Avec « RFK Jr », le ministère de la Santé « jouera un grand rôle pour assurer que tout le monde soit protégé des produits chimiques, polluants, pesticides, produits pharmaceutiques et additifs alimentaires dangereux », a écrit le futur 47e président en nommant le neveu de John F. Kennedy.
Ancien avocat en droit de l'environnement sans formation scientifique, Robert F. Kennedy Jr, 70 ans, a propagé des théories du complot, sur les vaccins contre le Covid comme sur de prétendus liens entre vaccination et autisme, et réclame l'arrêt de l'ajout de fluor dans l'eau courante, pourtant considérée comme une réussite sanitaire dans la lutte contre les caries dentaires.
C’est une personnalité « qui prend ses distances avec les savoirs scientifiques sur les sujets de santé », résume auprès du Quotidien Élisa Chelle, professeure de science politique à l’université de Nanterre et autrice en 2019 de Comprendre la politique de santé aux États-Unis (éditions Hygée).
« Rendre à l'Amérique sa santé »
D’abord candidat indépendant à l’élection présidentielle, il a fini par renoncer et se rallier à Donald Trump. Ensemble, ils ont promis de « rendre à l'Amérique sa santé » (« Make America Healthy again »), reprenant ainsi le fameux slogan de la campagne de Donald Trump en 2016, « Make America Great again ».
Dans les éléments programmatiques que Robert F. Kennedy Jr a pu distiller pendant la campagne, « il n’y a pas de mention de la vaccination. Son angle, c’est une politique de santé publique tournée vers l’alimentation », explique Élisa Chelle. Le probable futur ministre de la santé mise sur une production agricole « plus saine » et sur la nutrition en voulant « inciter la population à bien manger », poursuit-elle : « Il s’est notamment mis en tête de supprimer les aliments ultratransformés des cantines scolaires. »
Il a également annoncé vouloir éradiquer les colorants alimentaires ou encore interdire l’achat avec les bons alimentaires – distribués aux foyers les plus pauvres – de sodas ou d’aliments ultratransformés. Son approche repose sur une ligne de crête : « Même ceux qui sont attachés aux principes scientifiques ne peuvent pas s’opposer à ce qui va dans le sens d’une meilleure alimentation », analyse la chercheuse.
« Assainir les agences de santé publique »
Robert F. Kennedy Jr partage par ailleurs avec Donald Trump une défiance à l’égard des institutions. Cette orientation se traduit par une volonté de lutter contre les conflits d’intérêts au sein de l’industrie agroalimentaire et contre l’emprise des lobbies sur la politique alimentaire, détaille Élisa Chelle. Sa priorité sera notamment « d'assainir les agences de santé publique », celles en charge des recommandations (CDC), de la recherche (NIH), des médicaments (FDA), mais aussi le ministère américain de l'Agriculture, a-t-il indiqué dans une vidéo. Ces agences sont devenues, selon lui, « les marionnettes des industries qu'elles sont censées réglementer ».
Sur le sujet de la vaccination, ses positions ne permettent pas de prédire ce que sera la politique américaine en la matière. L’ancien avocat a récemment soutenu en interview qu'il « ne retirerait les vaccins de personne », tout en ajoutant qu'il ferait en sorte que « les Américains soient bien informés » sur la question. « Il n’affiche pas du tout un programme antivax », souligne Élisa Chelle, qui rappelle que Donald Trump avait soutenu en mars 2020 l’opération « warp speed » pour le financement massif de la recherche en faveur de la mise au point rapide d’un vaccin contre le Covid.
Parmi les autres mesures annoncées, Robert F. Kennedy Jr plaide pour « mettre un terme à l'épidémie de maladies chroniques », dont l’obésité, ou pour baisser le prix de médicaments anti-diabétiques comme l’Ozempic. Sur la santé des femmes et l’accès aux soins reproductifs, il adopte des positions contradictoires. Il a récemment défendu l'idée que les femmes devraient pouvoir avorter toute leur grossesse, ne faisant « pas confiance au gouvernement » pour exercer un pouvoir « sur les corps », avant de revenir sur ses déclarations et se prononcer pour une interdiction à partir de la viabilité du fœtus (environ 24 semaines).
Difficile de prédire ce que sera la politique de santé des États-Unis sous la gouvernance de Robert F. Kennedy Jr, d’autant qu’il peut exister un « écart entre les discours et la réalité des actes », prévient Élisa Chelle. Sur certains sujets, comme la crise des opioïdes, « une certaine continuité » avec les précédents gouvernements peut être attendue, estime la chercheuse. Mais, alors que la santé est « le premier secteur économique du pays », les orientations prises seront, selon la politologue, sûrement « pragmatiques » et répondront aux intérêts des États-Unis.
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