Le débat n’est pas encore apaisé aux États-Unis. Si l’agence du médicament nationale, la Food and Drug Agency (FDA), affichait vouloir réévaluer la balance bénéfices-risques des traitements hormonaux de la ménopause (THM) avec un panel d’une douzaine de médecins et chercheurs lors d’une réunion le 17 juillet, la méthode ne fait pas consensus.
Le panel réuni a appelé à lever les avertissements sur les emballages (ces black box warnings étant les plus hautes mises en garde de sécurité données par la FDA sur les médicaments à destination du grand public), qui avaient été mises en place dans les années 2000 après la publication d’une étude randomisée américaine, la Women’s Health Initiative (WHI). La mise en évidence d’un surrisque de complications, en particulier du cancer du sein mais aussi d’accidents cardiovasculaires, avait alors freiné brutalement l’utilisation du THM aux États-Unis et ailleurs. La WHI avait néanmoins montré que les femmes hystérectomisées prenant des œstrogènes seuls n’avaient pas de risque augmenté de cancer du sein et que le THM diminuait le risque d’infarctus du myocarde (IDM) pour les femmes à la cinquantaine.
Décalage entre la WHI et les pratiques actuelles
Mais cette étude fait l’objet de critiques : de nombreuses femmes incluses étaient éloignées de la ménopause et surtout les formulations ont changé (œstrogènes par voie transdermique, progestérone micronisée, dydrogestérone) avec des dosages inférieurs à ce qu’ils étaient. C’est ainsi que les experts américains appellent à retirer l’avertissement des THM (stipulant un risque augmenté de cancer du sein et de l’endomètre, d’AVC, de thromboses et possiblement de démence), en priorité pour les traitements locaux vaginaux faiblement dosés.
« Cinquante millions de femmes n’ont pas bénéficié des incroyables bienfaits potentiels de traitements hormonaux à cause de l’idéologie médicale », a déclaré le Dr Marty Makary, chirurgien oncologue élu à la tête de la FDA après un vote bipartisan par le Sénat en mars 2025 et défenseur de longue date des THM. « Nous avons fait plus de mal au nom de “ne faire aucun mal” », a ajouté la Dr Heather Hirsch, spécialisée dans les soins à la ménopause, selon un article du New York Times.
Le THM, outre de soulager les symptômes climatériques (bouffées de chaleur, troubles du sommeil, sécheresse vaginale, dyspareunie…), pourrait, pour ses partisans, même prévenir le déclin cognitif, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers à long terme, en plus des bénéfices démontrés sur la réduction des fractures ostéoporotiques. À la condition de le commencer dans les dix ans suivant la ménopause.
Le Dr Makary, 27e commissaire à l’alimentation et au médicament, aurait affirmé selon le New York Times : « Quand une femme commence les œstrogènes ou l’association d’œstrogènes et de progestérone dans les dix ans, il y a environ 25 à 50 % de réduction du risque d’IDM et de maladie cardiovasculaire mortels. Ce qui est comparable ou supérieur à la réduction du risque par une statine ».
S’il semble légitime de réexaminer les THM, le choix du panel, peu diversifié et sélectionné par le Dr Makary, interroge. C’est là que le bât blesse. « Ce panel a été choisi par le Dr Makary pour lui donner raison en public », aurait déclaré Cindy Pearson, qui a joué un rôle actif dans le financement de la WHI. De son côté, le Dr Jacques Rossouw, qui a dirigé la WHI, était à l’audience mais n’a été ni invité à faire partie du panel, ni même entendu. Le public présent ne pouvait pas intervenir lors de la réunion.
En France, une actualisation des recos d’ici à 2026
Les choses se compliquent aussi alors que les études citées par le panel sont observationnelles, un niveau de preuve moindre que les essais randomisés. De plus, une étude récente prospective observationnelle des Instituts nationaux de la santé américains (NIH) publiée dans The Lancet Oncology a confirmé une légère augmentation du risque de cancer du sein chez les plus jeunes (moins de 55 ans) traitées par œstrogènes + progestérone (risque diminué avec les œstrogènes seuls). Dans cette tranche d’âge, le risque cumulé serait d’environ 4,5 % en cas de THM combiné, par rapport à 4,1 % pour les non-utilisatrices et à 3,6 % pour celles utilisant des œstrogènes seuls. Certes, l’étude ne précise pas le type ni les dosages de traitement et les auteurs appellent à « des conseils personnalisés quant au THM ».
Aux associations de patients qui ont demandé à être consultées pour le label, le Dr Makary aurait dit qu’il voulait agir « vite ». Pourtant, les controverses ne peuvent se calmer qu’avec une analyse rigoureuse des données scientifiques, ce qui prend du temps. Quels bénéfices au THM ? Que penser du risque de cancer du sein avec les THM nouvelle génération ? Quelles sont les données scientifiques ?
En France, les gynécologues français défendent de longue date un THM « à la française » plus sûr, les dernières recommandations du Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi) et du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) datant de 2021. Un THM que la Haute Autorité de la santé depuis 2014 préconise, si besoin, « aux doses les plus ajustées et le plus court possible ». Dans son rapport au gouvernement sur l’accompagnement des femmes à la ménopause remis en avril, la députée Stéphanie Rist s’inquiétait d’une forme de désinformation sur les réseaux sociaux dans un climat général « anti-hormones ». Dans ce contexte, la mission Rist appelle la HAS à actualiser ses recommandations sur la prise en charge de la ménopause dans une approche globale (traitements hormonaux et non hormonaux, hygiène de vie, compléments alimentaires, dispositifs médicaux, parcours). L’autorité sanitaire devrait rendre ses conclusions d’ici à la fin 2025 ou début 2026.
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