« Il est bavard, hein ! », a lâché, en fin de séance, le président de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins (et chirurgien de formation), Jean-François Rousset (EPR), à propos du Dr Mathias Wargon. Et pour cause : auditionné ce 18 mars, le chef du service d’urgences du centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et président de l’observatoire régional des soins non programmés d’Île-de-France a multiplié les pistes de réflexion sur le sujet.
Car l’ambition de cette commission d’enquête, installée après la dissolution de juin 2024, est de faire des propositions pour améliorer l’accès aux soins, autant à l’hôpital qu’en ville. Une tâche peu aisée en temps de pénurie médicale. Certes, le métier d’urgentiste a bien évolué, mais ce n’est pas le fait que la discipline soit devenue une spécialité qui a créé un manque de bras selon le Dr Wargon. Journées « monstrueuses », afflux « massif » de patients pas pris en charge en ville… « La pénurie d’urgentistes est là, car c’est un enfer d’y bosser ! », a-t-il expliqué devant les députés.
Concurrence déloyale entre services ?
De fait, de nombreux docteurs juniors urgentistes sont « piqués » par des services de réanimation ou des centres de soins non programmés, aux horaires avantageux et non soumis à la permanence des soins. Le tout bien payé. Conséquence : « Ils fuient ! », s’est-il exclamé. « La question, c’est comment garder les urgentistes qui sont excellents ? », a-t-il également interrogé, posant sur la table la question de la qualité de vie au travail.
Argumentant que les urgences travaillent en flux (tendu), le Dr Wargon a souhaité souligner que, « souvent, elles sont mal organisées », ironisant sur une possible plainte devant l’Ordre des médecins pour anti-confraternité. Car selon lui, il faut d’abord traiter la réorganisation, avant d’embaucher du personnel : « mettre plus de monde dans le bordel, c’est juste mettre du bordel avec plus de monde », a-t-il synthétisé. Avant de critiquer « les solutions simplistes » proposées par les politiques, comme « augmenter le nombre de lits à l’hôpital ». Ainsi, « un patient qui attend un lit aux urgences, c’est un patient en trop ! », a-t-il scandé. D’abord, « il faut trouver du personnel d’accord pour y travailler ! »
Vive les Padhue
Le médecin urgentiste a abordé le sujet des Padhue, sans lesquels son hôpital serait fermé, malgré leur faible salaire et la concurrence avec d’autres pays européens, comme l’Allemagne. « J’aimerais savoir si les médecins français actuellement en exercice pourraient passer les concours… Moi, je ne le pourrais pas ! », a-t-il ajouté, ironisant sur la difficulté des EVC, que le ministre de la Santé a promis de réformer.
Résolument prolixe, le Dr Wargon, que le Dr Jérôme Marty voyait à Ségur avec lui, a aussi défendu l’aide médicale d’État (AME), « une goutte d’eau dans le financement de la santé », dont la suppression alourdirait la charge des hôpitaux déjà bien endettés. « Soyons égoïstes », a-t-il ajouté, ce dispositif doit être conservé « pour nous protéger, nous », en termes de santé publique.
De nouvelles pandémies à anticiper
Interrogé également par la commission, le Pr Arnaud Fontanet, directeur d’unité épidémiologique à l’Institut Pasteur, a souhaité mettre en garde contre de nouvelles pandémies, avec des facteurs non traités aujourd’hui : marchés d’animaux sauvages ou élevages domestiques intensifs… L’ancien membre du conseil scientifique sur le Covid-19 a pris exemple sur le Danemark, qui, selon lui, a bien géré la crise, en prenant, rapidement, des mesures coercitives, tandis que les hôpitaux étaient vides. Mais cela nécessite, a-t-il rapporté, « une confiance forte de la population dans les institutions et une culture de santé publique ».
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