Avec plus de 2 200 amendements déposés, l’examen du PLFSS 2025 s’ouvre dans un Hémicycle divisé

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Publié le 28/10/2024
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Après le rejet à l’unanimité du Budget Sécu (PLFSS 2025) en commission des Affaires sociales la semaine dernière, le texte du gouvernement arrive dans l’Hémicycle pour une semaine d’examen en première lecture. Les débats s’annoncent tendus, l’issue incertaine.

Crédit photo : JEANNE ACCORSINI/SIPA

Coup d’envoi ce lundi 28 octobre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Balle au centre : au terme des trente-cinq heures de débat, le texte du gouvernement, largement remanié par les centaines d’amendements déposés par la commission des Affaires sociales, a été rejeté à l’unanimité. Les députés avaient notamment repoussé l'objectif de dépenses d’Assurance-maladie (Ondam), avec l'avis favorable du rapporteur général, le Dr Yannick Neuder (Les Républicains).

Les députés repartent donc ce lundi de la version initiale proposée par l’exécutif, ayant pour but de freiner les dépenses, avec quatre milliards d’économie planifiées sur la santé et un Ondam de 2,8 %. Cette même première mouture qualifiée par le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint Martin, de « budget de paramètres, pas de réformes » le 16 octobre. Moins de trente heures en séance publique sont prévues pour la discussion générale, puis l’examen de 2272 amendements déposés – le gouvernement peut continuer à en verser dans le projet de loi tout au long de la semaine. Cette première lecture s’annonce ainsi compliquée pour le gouvernement, qui n’a pas pu voter le budget de l’État la semaine passée. Le vote solennel est prévu mardi 5 novembre.

Si les points d’achoppement dans l’Hémicycle concerneront pour l’essentiel le travail et les retraites, la santé n’est pas en reste.

· La régulation à l’installation revient dans le débat

Comme convenu, le député Corentin Le Fur (LR) porte un amendement de régulation à l’installation, visant à conditionner l’autorisation aux médecins de s’installer dans une zone suffisamment dotée seulement si elle fait suite à la cessation d’activité d’un praticien de la même spécialité. De son côté, le macroniste François Cormier-Bouligeon (Ensemble pour la République) entend proposer un dispositif de conventionnement sélectif, à titre expérimental, pour trois ans, dans cinq communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) volontaires. Le gouvernement a toujours exprimé son refus de telles mesures.

Surprise à noter : le groupe transpartisan sur l’accès aux soins mené par Guillaume Garot (PS) ne fait aucune proposition remettant en cause la liberté d’installation des praticiens, préférant notamment limiter à quatre ans la durée des remplacements en libéral dans la carrière des médecins.

Autre angle d’attaque sur le sujet pour les élus du Rassemblement national (RN), lesquels portent un amendement incitatif pour les médecins généralistes et spécialistes s’installant dans les déserts médicaux, prévoyant une baisse de cotisations sociales. Ils vont même plus loin en proposant de moduler la rémunération des tarifs conventionnels pour valoriser les praticiens installés en zones sous-denses.

· Les étudiants préoccupent les députés

L’accès aux soins et le sort des étudiants en médecine étant étroitement liés, les députés veulent rendre la filière plus attractive. En ce sens, le Pr Philippe Juvin propose d’aligner la rémunération minimale des étudiants hospitaliers en médecine sur la gratification minimale d'un stagiaire restant dans une structure plus de deux mois, soit un taux horaire minimum à 4,35 € par heure de stage.

Les élus RN entendent eux proposer une expérimentation pour créer des hébergements territoriaux des étudiants de santé, pour renforcer l’attractivité des territoires où il est difficile de trouver un logement, mais également d’étendre les terrains de stage pour les étudiants en médecine dans davantage d’établissements privés.

De son côté, le député Vincent Descoeur (LR) reprend la proposition de loi (PPL) de Frédérique Meunier visant à donner une deuxième chance aux meilleurs étudiants recalés au concours de la première année qui seraient repêchés en deuxième année, contre un engagement à s’installer pour trois ans en désert médical.

Pour susciter des vocations et mieux préparer les étudiants, le groupe transpartisan sur l’accès aux soins porte un amendement de création d’une année préparatoire aux études de médecine, pour trois ans, dans dix départements sous-dotés.

· Le cumul emploi-retraite plébiscité à droite

Comme c’était déjà le cas en commission, plusieurs amendements portés par la droite (Bazin, Neuder, Juvin) prévoient de réactiver et pérenniser le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les médecins retraités, introduits dans la LFSS pour 2023 par le Pr Philippe Juvin. L’objectif étant de favoriser le cumul emploi-retraite pour les médecins, sans plafond et s’appliquant sur la totalité du revenu qu’ils dégageraient. Michel Lauzzana (EPR) qui porte également cette mesure, entend lui toutefois fixer un montant plafond par décret. La Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), elle, craint un grand trou dans ses recettes.

· Délégations, accès direct… les infirmiers au centre des propositions

En attendant la « loi infirmier » promise par le Premier ministre, la « consultation infirmière » est poussée par plusieurs amendements, notamment des députés Philippe Fait (EPR) et Vincent Descoeur (LR), ainsi que leur possibilité de prescription, notamment pour favoriser le maintien à domicile de patients. L’inscription des infirmiers en pratique avancée (IPA) comme « profession médicale intermédiaire » est également citée de nombreuses fois dans les amendements de la droite et LFI. Aussi, la généralisation de l’expérimentation des certificats de décès réalisés par les infirmiers est proposée, notamment par le groupe Horizons.

S’appuyant sur la proposition de la Mutualité Française, le groupe Écologiste, ainsi que les députées Josiane Corneloup (LR) et Danielle Burlebois (EPR) entendent, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, sur trois régions sous-dotées, autoriser les assurés à désigner une équipe de soins traitante, pour compléter le principe de médecin traitant.

Grande cause nationale pour 2025, la santé mentale occupe également les députés : Frédéric Valletoux et le groupe Horizons proposent de simplifier le dispositif « MonSoutienPsy », en supprimant la condition d’adressage préalable. Les Écologistes veulent également supprimer la limitation du nombre de séances prises en charge (ou à défaut minimum 24 séances) ainsi que celle relative à l’intensité du mal-être des patients.

· IJ : la bataille est lancée

Les arrêts de travail sont un sujet important pour le gouvernement en raison de la forte dynamique des dépenses d’indemnités journalières (+ 8,5 % au premier semestre 2024). Les socialistes veulent empêcher la baisse du plafond d’indemnisation à 1,4 Smic évoqué par le gouvernement, en le maintenant par voie législative à 1,8 Smic.

Adopté en commission, l’amendement Horizons visant à réduire les arrêts de travail prescrits en téléconsultation de trois à un jour est de nouveau mis sur la table. Un autre amendement émanant de Félicie Gérard (Horizons) vise à ce que seuls les renouvellements soient possibles en plus de trois jours en téléconsultation. L’exécutif a également communiqué sa volonté de passer d’un à trois jours de carence, en baissant le taux de remboursement des arrêts maladie dans la fonction publique, sujet également inflammable.

· Les radiologues et biologistes visés par des économies

Les marges des radiologues et biologistes sont dans le viseur du gouvernement. Le PLFSS prévoit d’inscrire dans le marbre la nécessité de conclure des accords pluriannuels de maîtrise (objectifs quantitatifs, engagements des partenaires conventionnels, modalités de suivi et mesures correctrices) pour « sécuriser les financements ». À défaut d’accord au 30 avril 2025, le directeur de la Cnam pourra procéder aux baisses autoritaires de tarifs d’imagerie. Les débats en commission avaient été vifs, les députés s’opposant sur le caractère contre-productif de cette mesure ayant pour but de lutter contre la financiarisation… Ce qui se reflète également dans les amendements déposés.

· Vers des limitations de l’intérim

Sur l’intérim, les socialistes veulent allonger de deux à dix ans la durée à la sortie des études pendant laquelle les médecins et autres professionnels de santé ne peuvent exercer en intérim dans les hôpitaux et établissements. Ils entendent supprimer également la condition de pénurie de professionnels pour pouvoir activer le plafonnement de dépenses d’intérim et faire établir par les ARS une part maximale de contrats intérimaires par établissement.

Le député Corentin Le Fur (LR) et le groupe GDR proposent de permettre à ces établissements de déroger au plafonnement de la rémunération des intérimaires si cela conduisait à fermer ou à réguler l’accès à certains services. LFI entend sanctionner les établissements qui ne respecteraient pas les plafonds et les appliquer au privé lucratif. Le gouvernement entendait dès juillet 2025 plafonner les tarifs pour les paramédicaux.

· La prescription encadrée fait débat

Pour renforcer la pertinence des prescriptions, notamment médicamenteuse, le gouvernement souhaite conditionner la prise en charge d’un acte ou d’une prestation, au renseignement, par le prescripteur, d’éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription, sur un formulaire dédié.

Les groupes de gauche souhaitent poser des garde-fous pour que le patient ne soit pas pénalisé, notamment les bénéficiaires de la C2S, l’AME ou les personnes en situation de handicap et en affection longue durée. Le rapporteur général du texte propose, lui, de le faire entrer en vigueur en 2026, pour laisser le temps aux services de s’organiser.

Absents du PLFSS, l’AME et le ticket modérateur en débat

L’aide médicale d’État a beau relever du budget de l’État (PLF) et non du budget de la Sécu, cela n’empêche pas les députés de se saisir du sujet dans le cadre du PLFSS. Un amendement du Pr Philippe Juvin (LR) et d’une partie de la droite propose de limiter le panier de soins de l’AME, notamment le forfait hospitalier, les franchises médicales sur les consultations et la boîte de médicaments. Il est également question des soins qui ne répondent ni à une nécessité vitale ou à un risque épidémiologique grave. Le gouvernement, ainsi que la gauche y est largement opposé.

Autre polémique : le transfert d’une partie du ticket modérateur aux complémentaires santé, idée envisagée par le gouvernement pour économiser 1,1 milliard d’euros. Si cette décision devient réalité, ce sera par voie réglementaire. En attendant, les socialistes, les insoumis et le groupe Liot comptent entériner la stabilité du ticket modérateur pour 2025. Dit autrement : ne rien changer. Moins tranchée mais prudente, la ministre de la Santé MoDem Geneviève Darrieussecq a répété à plusieurs reprises son souhait de voir émerger une autre piste d’économies, potentiellement moins douloureuse pour les Français.


Source : lequotidiendumedecin.fr