La contraception ne devrait pas reposer sur la femme seule. C’est de cet axiome qu'est né, sous forme de bande dessinée, le récit initiatique de Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain, journalistes parisiens. Leurs conjointes prennent la pilule ou l’ont arrêtée, la faute aux effets secondaires indésirables. « Ça fait cinquante ans que les femmes en bouffent et ce truc n’est toujours pas au point », constate l’une d'elles, avant que son amie ne réponde : « Pour moi, ça marche bien, je n’ai jamais eu de souci avec. » Témoignant du fait que le vécu de la contraception est hétérogène.
Alors, ces hommes modernes et de bonne volonté se renseignent sur la contraception masculine, puisqu’il n’est, pour eux, pas question d’avoir recours à une vasectomie – plus populaire outre-Atlantique qu’en France. S’ensuit une série de pérégrinations, illustrées par Caroline Lee.
Le slip chauffant ou « remonte-couilles »
Première découverte : le « slip chauffant », aussi appelé « remonte-couilles », lequel consiste à faire remonter les testicules contre le pubis. Ceci augmenterait la température des spermatozoïdes de deux degrés, ce qui empêcherait, au bout de trois mois, une production en quantité suffisante pour procréer. Les deux auteurs iront même rencontrer le Dr Roger Mieusset, andrologue, pionnier des slips chauffants en France, qui leur expliquera pourquoi dépenser « 900 000 euros pour mener une étude sur 140 couples » n’a jamais été retenu comme projet de recherche depuis 2011.
D’autres prônent l’anneau en silicone, qui repose sur le même principe. Les journalistes ne manquent toutefois pas de faire intervenir dans l'album des médecins qui précisent que ces produits n’ont pas encore été testés cliniquement et qu’on ne connaît pas leurs effets secondaires. En décembre dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a retiré du marché les anneaux contraceptifs masculins Andro-switch de la société Thorème. En cause, l’absence de marquage CE pour ces produits relevant de la classification des dispositifs médicaux de classe IIb.
Une fabrication artisanale
La bande dessinée, qui ne manque pas d'ironiser, montre bien le côté artisanal de ces techniques. Une association appelée Garçon propose des ateliers pour créer ses propres slips chauffants. Un lieu propice à l’échange et aux rencontres… bien qu’il y ait peu de monde. Une autre méthode avait été testée dans les années 1980, à Tours, cette fois-ci hormonale, sous forme de gel de testostérone, par l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom). L’expérience ne dura que deux ans.
Mais les vadrouilleurs bobos vont également rencontrer Nelly Oudshoorn, professeure d’université néerlandaise et autrice d’un livre sur l’échec de la pilule pour homme, dont les essais ont été abandonnés après des effets secondaires trop puissants, notamment pour le foie en Chine avec le Gossypol. Pour l’experte de la contraception masculine, ce qui fonctionne le mieux, ce sont les piqûres intramusculaires régulières d’énanthate de testostérone, une fois par semaine. Elle parle d'un taux de réussite de 96,6 % de perte de fécondité – soit un niveau équivalent au stérilet – selon l’étude internationale de l’OMS. Bref, « l’histoire d’une occasion manquée ». Car, pour l’industrie pharmaceutique, il n’y aurait pas assez de consommateurs prêts à acheter une contraception masculine. Sans marché, pas de recherche, ni de tests, et donc pas de commercialisation, déplore-t-elle.
Quelque 50 contraceptés en France
Aujourd’hui, on dénombrerait une cinquantaine d’hommes dits contraceptés en France, un chiffre riquiqui, loin de l’idée d’une tendance. Pourtant, le planning familial parisien organise chaque premier samedi du mois une réunion d’information dédiée à la contraception masculine ; et, en novembre 2021, pour la première fois, le congrès de l’Association française d’urologie (AFU) s’est saisi de la question.
Des questions restent en suspens : les bénéfices de ces contraceptions artisanales sont-ils suffisants ? N’y aura-t-il pas d’effets secondaires, comme une stérilité à vie ou des risques de conception avec anomalies ? Aujourd’hui, pas un seul contraceptif masculin n'est officiellement et scientifiquement reconnu. Les hommes ont à leur disposition le préservatif et peuvent avoir recours à une vasectomie. C'est peu par rapport à l'enjeu de la contraception, qui est bel et bien l’affaire de tou.te.s.
Les Contraceptés - enquête sur le dernier tabou, de Guillaume Daudin, Stéphane Jourdain et Caroline Lee, éditions Steinkis, 19 euros, 160 pages.
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