Et si 2023 était une année sous le signe des réformes santé ? Voire… Le 6 janvier, les longs vœux d’Emmanuel Macron présentés aux « acteurs hospitaliers et libéraux » visaient à donner le tempo en égrenant les objectifs et les têtes de chapitre. Le Président diagnostique les maux de l'hôpital, évoque la fin de la T2A et « l’hyper rigidité des 35 heures ». En ville, il promet de « faire gagner du temps médical », notamment en « accélérant le recrutement des assistants médicaux ». Le chef de l’État dessine déjà l’esquisse du contrat d’engagement territorial (CET), parlant volontiers de « droits et devoirs » et appelant carrément à bâtir « un nouveau pacte avec la médecine libérale ».
Mais des discours aux actes, il y a un gouffre. Sur la forme comme sur le fond, les vœux présidentiels éclipsent ceux de François Braun, le 30 janvier, suggérant déjà en creux la relative fragilité du ministre en exercice. L’ancien urgentiste défend pourtant avec énergie la stratégie présidentielle du donnant-donnant avec les médecins, le développement du services d’accès aux soins (SAS) ou des infirmiers en pratique avancée (IPA). Mais le fiasco des négociations conventionnelles – suivi d'un règlement arbitral jugé humiliant – démontre en quelques semaines les limites des bonnes intentions auprès de praticiens libéraux en colère (lire page 22).
Borne réclame un « cogneur »
Tout au long du premier semestre, François Braun multiplie les missions et les déplacements mais ses résultats tardent et son bilan est marqué par les crises et l'exaspération qui monte du terrain : la gestion délicate de la triple épidémie (Covid, bronchiolite et grippe) en janvier qui place le système de santé sous pression, l’échec des négociations avec les médecins en février, les alertes répétées d'hôpitaux ou de service sur le fil, les inquiétudes des internes pour leur formation… Bosseur mais peu connu des Français, l’urgentiste est débarqué dès l’été 2023 par Élisabeth Borne, qui réclame « un cogneur dans les médias et dans l’Hémicycle ».
La Première ministre connaît déjà son successeur : Aurélien Rousseau, 47 ans, son directeur de cabinet à Matignon, qui n'était pourtant pas candidat. Nommé le 20 juillet, l’ex-directeur de l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France – et mari de Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam – n'a guère le temps de s'installer. Pics de chaleur mi-août, cellule de crise, fermetures ponctuelles d'urgences, voire d'hôpitaux… : le nouveau ministre se retrouve immédiatement au front, toujours épaulé à Ségur par Agnès Firmin Le Bodo, fidèle au poste, chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé. Plus politique que son prédécesseur, Aurélien Rousseau promet, dès son intronisation, de passer au « temps des preuves ».
Des franchises à l'AME, dossiers minés
De fait, sa première mesure phare se concrétise dès la rentrée avec la revalorisation attendue des sujétions et du travail de nuit à l'hôpital, un chantier préparé… par François Braun. Sur tous les dossiers, Aurélien Rousseau reprend le flambeau avec méthode : relance des négos à l'automne avec les syndicats de médecins libéraux (sans interférence de textes législatifs, jure-t-il), déplacements dans les hôpitaux sous tension, mobilisation générale face à la pénurie de médicaments (il réunit à cet effet pharmaciens, grossistes et les laboratoires), gestion de la polémique sur les franchises médicales… Semaine après semaine, le locataire de Ségur s'emploie à imprimer sa marque, consulte et écoute les soignants, soucieux surtout de ne pas faire de faute dans ce ministère des crises permanentes.
Aurélien Rousseau affronte aussi de nouveaux défis délicats comme la défense politique de l’Aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers – au sein d'un exécutif divisé – ou les discussions serrées face à Bercy sur les économies en matière de dépenses de santé, dans le cadre d'un budget de la Sécu 2024 compliqué à boucler.
Vécu et franc-parler
Parallèlement, le ministre évoque des sujets qui lui tiennent à cœur, comme les inégalités de santé, citant volontiers l'exemple de la Seine-Saint-Denis, où il a été professeur d’histoire-géographie à Bondy. Ayant hérité du statut de « ministre de la Prévention », il s'efforce d'incarner cette ambition en participant par exemple à la campagne de vaccination HPV dans les collèges, décidée sous le mandat de François Braun. Mais la révolution de la prévention reste encore très lointaine (lire page 30).
Énarque, conseiller d’État passé par les cabinets de trois premiers ministres (Valls, Cazeneuve et Borne), Aurélien Rousseau s'emploie enfin à casser son côté techno en cultivant un langage direct… et parfois fleuri. « Dès que des professionnels de santé ont un projet sur un territoire, on doit se démerder pour les suivre ! », lance-t-il aux maires de France désemparés face aux déserts médicaux. Une façon claire de fixer le cap en attendant le temps des preuves…
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