Sur la question des déserts médicaux, les tensions sont à nouveau palpables entre le gouvernement et les élus, accroissant la pression sur Agnès Buzyn.
Après l'Association des petites villes de France (APVF) qui réclamait fin avril la mise en place de mesures de régulation à l'installation, pas moins de 118 députés, sénateurs et élus locaux – appartenant principalement à la majorité LREM, au centre et LR – sont revenus à la charge dimanche dernier dans le « JDD ». « La France se transforme en un vaste désert médical, et, à cet égard, un seul chiffre doit nous guider : ce phénomène concerne aujourd’hui plus d’une commune sur trois », s'exaspèrent-ils.
Loin du compte sur la télémédecine
En matière de résultats, ces signataires jugent que « le compte n'y est pas » et pressent le gouvernement de déverrouiller la téléconsultation. Ils regrettent des « blocages administratifs qui limitent la portée de ce remboursement ». « Pourquoi l'assurance-maladie souhaite-t-elle limiter la téléconsultation aux médecins proches du patient alors même que son remboursement a été voté pour venir en aide aux patients qui n'ont pas précisément accès aux soins près de chez eux ? », déplorent-ils.
Dans les colonnes du même hebdomadaire, le président de l'Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, tire à boulets rouges, déplorant l'oubli des territoires. Il redoute que la réforme Buzyn ne soit qu'un « plaquage sur les territoires de la volonté de normalisation administrative de la puissante technostructure du ministère ». Une pique qui tombe mal à quelques semaines de l'examen du projet de loi de santé au Sénat et alors que la ministre tentait de défendre ses résultats…
Cumul emploi-retraite, salariat : Ségur lâche du lest
Face aux critiques, Agnès Buzyn a fait valoir qu’elle « hérite de 30 ans de politiques de réduction du nombre de médecins ». Lors de son déplacement dans la Manche, la semaine dernière, la locataire de Ségur s'est toutefois employée à défendre les « premiers effets positifs » de son action.
Grâce à la révision du zonage « médecins », qui détermine les secteurs fragiles éligibles aux aides publiques, la population couverte est passée de 7 % à 18 %. Au total, quelque 6 700 praticiens et étudiants ont bénéficié des incitations diverses : 2 400 médecins ont signé un contrat d'aide financière pour l'installation, le maintien de l'activité ou pour des vacations en zone sous-dense ; 1 100 médecins ont été gratifiés d'une aide directe de l'État (contrat de Praticien territorial de médecine générale – PTMG – et ses déclinaisons ambulatoire – PTMA – ou de remplacement – PTMR) ; et près de 3 200 étudiants sont bénéficiaires de bourses d'études via le contrat d’engagement de service public (CESP) dont plus de 300 ont achevé leurs études…
Consciente qu'il faut faire bien davantage pour rendre ces aides de l'État plus lisibles et attractives, Agnès Buzyn a chargé le Dr Sophie Augros, généraliste et déléguée nationale à l’accès aux soins, de formuler d’ici à l’été des propositions d'amélioration sur les contrats concernés soutenus par l'État.
Autre annonce : alors que 45 % des praticiens libéraux ont plus de 55 ans, la ministre continue de muscler le cumul emploi retraite. Depuis février déjà, les « cumulards » en zone sous-dense étaient exonérés de cotisations complémentaires vieillesse jusqu'à 40 000 euros de revenu d'activité par an (au lieu de 11 500 euros auparavant). Un seuil peu attractif d'où la décision de relever le plafond d'exonération à 80 000 euros.
Quant aux 400 médecins salariés ou à exercice partagé promis par Emmanuel Macon pour pallier en urgence la pénurie, le dispositif devrait s'élargir à d'autres spécialités.
Trois millions de consultations libérées
Enfin, la délégation de tâches et les coopérations constituent des leviers prioritaires. Recrutement de 100 infirmiers « Asalée », extension de la vaccination antigrippale par les pharmaciens, formation des 300 premiers infirmières en pratique avancée et demain création de 4 000 assistants médicaux pour épauler les médecins regroupés… la ministre veut croire que la palette permettra de redonner des couleurs à l'offre médicale. « Tout ce que nous mettons en place permettra de libérer 3 millions de consultations, soit l'équivalent de 800 médecins généralistes supplémentaires », a-t-elle assuré au « JDD ».
Ces efforts ministériels seront-ils suffisants ? La profession en doute à court terme. « ll faudra du temps, la population et les élus doivent le comprendre, juge le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Il y a des décennies qu'on n'a pas soutenu la médecine libérale en termes tarifaire et organisationnel. »
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