La proposition de loi déposée fin octobre par 272 députés du groupe La République en marche visait « à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ». Mais cette initiative parlementaire n’a pour l’heure suscité que méfiance et hostilité chez les médecins. Au point que ce texte, composé de 15 articles découlant du Ségur de la Santé et qui sera examiné en séance publique à partir du 30 novembre, a dû être profondément remanié ces derniers jours.
Les députés de la majorité, emmenés par Stéphanie Rist (rhumatologue) et Christophe Castaner (ancien ministre de l’Intérieur, président du groupe LREM à l’Assemblée) n’imaginaient sans doute pas s’attirer les foudres des médecins, hospitaliers comme de ville. L’article premier de cette proposition de loi, qui prévoyait la création d’une profession médicale intermédiaire entre l’infirmière (bac+3) et le médecin (bac+10), a mis le feu aux poudres.
Si le principe de ce nouveau métier avait bien été acté lors du Ségur de la santé, une mission exploratoire devait dans un premier temps être confiée aux Conseils des Ordres des médecins et des pharmaciens. Or, les députés LREM se sont affranchis de cette étape et ont proposé sans plus attendre de créer cette profession censée pouvoir prescrire. Il y a deux semaines, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) était donc monté au créneau et avait indiqué « qu’il ne conduirait pas, en l’état, la mission qui devait lui être confiée ».
Un timing qui interroge
De leur côté, les syndicats de médecins libéraux se sont unis pour dénoncer cette PPL et s’opposer à la naissance de ce nouveau métier, dont « le rôle et les missions sont obscurs ». La CSMF, MG France, la FMF, le SML et Le Bloc redoutaient notamment qu’une telle profession fasse de l’ombre aux infirmières en pratique avancée. Les syndicats pointaient un timing mal venu, « à l’heure où tous les professionnels de santé doivent se coordonner, unir leurs efforts pour lutter contre une épidémie majeure et dévastatrice ». « Il est temps de recentrer les efforts pour la santé sur les enjeux actuels et non de partir dans une déstructuration… », affirmaient-ils dans un communiqué commun.
Martelant son opposition à ce projet lors d’une conférence de presse, le président du SML, Philippe Vermesch, a estimé que l’heure était venue d’engager une réflexion sur les contours des métiers de soignant. « Le gouvernement est allé prendre des morceaux de la médecine pour les donner aux infirmiers et aux pharmaciens, il y a aussi des transferts du côté des infirmiers, alors que personne n’a été consulté sur ces délégations de compétences, a-t-il observé. Il est donc grand temps que nous nous réunissions pour discuter des contours des métiers de chacun. »
Le gouvernement en difficulté
Le message a finalement été reçu cinq sur cinq par le gouvernement et la majorité. Devant la grogne de la profession et pour éviter tout risque de conflit, Olivier Véran a invité la semaine passée les députés LREM à supprimer l’article en question de la proposition de loi, a révélé Libération. Chose faite lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, mercredi dernier. Plusieurs amendements de la rapporteur, Stéphanie Rist, députée LREM du Loiret, ont été adoptés en commission, qui réécrivent intégralement l’article 1. « Si la création d’une nouvelle profession médicale intermédiaire semble encore trop prématurée, certaines mesures peuvent être prises dès maintenant, ou être étudiées, pour développer l’exercice en pratique avancée et les protocoles de coopération », précise l’un de ses amendements. Les députés demandent au gouvernement de dresser un état des lieux de la pratique avancée et des coopérations.
« Ce n’est pas le moment de braquer tout le monde, c’est même l’inverse », assurait de son côté Stéphanie Rist, à la veille de l’examen en commission. Une autre disposition de ce texte a pourtant heurté les médecins : la création d’un statut de sage-femme référente qui confierait aux maïeuticiennes le statut de médecin traitant de la femme. Estimant que cette évolution remettrait gravement en cause le parcours de soins, le SML s’oppose « au fait de confier les mêmes prérogatives aux sages-femmes (bac+5) qu’aux médecins (bac+10 ou 11) ».
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