Après un suicide à la faculté de médecine de Reims le 28 février 2020 (il y a un an), une cellule d'écoute avait été alors mise en place. Pourquoi parlez-vous d'un déni de réalité dans votre dernier communiqué ?
Nous avons demandé un plan d'actions multimodal et efficace. En médecine, le taux de
suicides est sans doute plus élevé qu'ailleurs en raison de son lot de stress et de difficultés inhérentes au métier qui viennent s'ajouter aux problématiques personnelles qui engendrent par exemple des dépressions. En revanche, des éléments structurels générateurs de stress et de dépression sont modifiables et appellent à des véritables réformes.
Quelles sont les réformes structurelles que vous préconisez ?
Un employeur a toujours la responsabilité de la santé et de la sécurité de ses salariés, il s'agit de simple droit commun. De même, lorsqu'il existe un risque suicidaire important dans un établissement, c'est à la direction de prendre les mesures immédiates conservatoires adéquates. De la même façon, si les conditions générales dans un stage ne sont pas réunies et qu'elles sont dangereuses, le directeur de l'ARS a la possibilité de suspendre l'agrément du stage. Il existe plusieurs niveaux d'alerte qui ne fonctionnent pas toujours : ainsi, le chef de service devrait alerter quand il y a dépassement de la durée hebdomadaire de travail qui est en moyenne de 58 heures (10 heures de plus que la réglementation européenne) chez les internes
et de 80 heures chez les internes en chirurgie. Mais cela n'est pas fait. Nous demandons à instaurer un décompte horaire hebdomadaire qui a pour l'instant toujours été refusé par l'ensemble des doyens et le ministère de la Santé.
Quid du cumul des fonctions managériales et d'enseignement ?
C'est une autre spécificité hospitalière que nous souhaitons voir remettre en cause, soit la fin du cumul entre le management et l'encadrement universitaire. Nous réclamons aussi la collégialité systématique concernant les décisions sur le cursus de l'interne, par exemple pour l'évaluation des stages. Sur le terrain, le chef de l'interne est seul à prendre une décision, parfois pendant des années. Certains internes ont même dû arrêter médecine à cause de cela. Nous demandons également la suspension systématique des possibilités d'enseigner pour les personnes qui ont été condamnées pénalement ou disciplinairement pour des faits graves. Or la conférence des doyens est responsable de cet immobilisme et a toujours refusé toute séparation des pouvoirs, sinon de façon cosmétique. Par exemple, pas une seconde elle ne considéra qu'il existe des éléments structurels de harcèlement. Certains doyens nous répondent qu'il « faut mieux laver son linge sale en famille ».
Pourquoi insistez-vous sur ce point ?
Le fait est que l'immense majorité des chefs de service sont aussi professeurs. Ils font à la fois de l'enseignement, de la recherche, de la clinique et du management. Pis, ils sont souvent à la fois coordonnateurs de DES (Diplôme d’études épécialisées, coordonnateur de spécialité) et donc de diplômes. Bref, ces chefs de service ont tous les pouvoirs sur les internes, professionnel comme universitaire sur la carrière et la spécialisation du futur médecin. Quelles sont les soupapes possibles quand le monarque éclairé devient un tyran ? Aucune. Même le doyen qui est souvent de la même promo que le chef de service n'est la plupart du temps pas un soutien possible pour l'interne.
Quel serait l'impact de ces nouvelles mesures sur l'organisation du service ?
Ces mesures ne sont pas compliquées à mettre en place et n'auraient aucun impact sur l'activité du service. Pourquoi seuls 23 % des internes restent médecins à l'hôpital ? Tout le monde va dans le privé dont beaucoup dans le privé solidaire parce qu'ils sont dégoûtés de la façon dont ils ont été traités.
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