Pourquoi tant de haine ? Son dernier rapport sur l'avenir de l'assurance maladie n'est que le dernier d'une longue série d'attaques contre l'organisation des soins en France. C'est devenu une habitude, la Cour des comptes critique très ouvertement la gouvernance du système de santé, l'assurance-maladie, l'hôpital et depuis quelques années les médecins libéraux.
Mercredi, les magistrats de la rue Cambon ont frappé un peu plus fort que d'habitude. Leur offensive contre la médecine libérale a été vécue comme une agression par la profession. Conventionnement sélectif, recertification périodique, encadrement des dépassements d'honoraires, enveloppes régionales contraintes, « réserve prudentielle » permettant de réduire les tarifs ou suspendre les revalorisations tarifaires en cas de non-respect de l’objectif prévisionnel de dépenses, permanence des soins et extension des horaires d’ouverture... le panel de mesures coercitives en a étonné plus d'un.
Des attaques plus systématiques depuis quelques années
La Cour des comptes n'en est pas à son coup d'essai. Déjà sous la houlette de Philippe Séguin à la fin des années 2000, elle s'attaquait à la dérive des dépenses de santé, à l'ONDAM qui ne faisait pas ses preuves, à l'échec du DMP, à la « mauvaise gestion » des caisses ou aux déficits des hôpitaux publics. En 2007, elle dénonçait l'augmentation du pouvoir d'achat des médecins « bien supérieur aux salariés du privé », pointait du doigt les dépassements d'honoraires dépassant le tact et la mesure et demandait des mesures coercitives à l'installation.
Depuis qu'elle est dirigée par Didier Migaud, la médecine libérale est encore plus souvent dans son collimateur.
En 2012, la Cour recommandait à la HAS de préciser le périmètre de la certification et d’évaluer périodiquement médecins et équipes médicales. Elle réclamait un contrôle de la prescription des transports sanitaires, à laquelle l'assurance-maladie consacrait déjà 3,5 milliards d'euros par an.
Un an plus tard, la Cour des comptes étrillait le parcours de soins « réforme inaboutie » mise en place en 2005, et épinglait la permanence des soins.
Dépassements et cotisations sociales en ligne de mire
En 2014, les Sages dénonçaient l'échec des politiques conventionnelles, qu’il s’agisse de l’encadrement des dépassements d’honoraires, de la répartition des praticiens sur le territoire ou de la diversification de la rémunération. Ils fustigeaient la politique peu ambitieuse sur le générique « et la forte réticence des syndicats de médecins », ou encore la dépense non-maîtrisée des dispositifs médicaux.
La Cour s'en était également pris à la prise en charge par l’assurance-maladie des cotisations sociales (maladie et famille) des médecins libéraux de secteur I et en secteur II ayant adhéré à l’option de coordination, jugée trop coûteuse (2,2 milliards d’euros par an). La Cour recommandait de limiter cette prise en charge aux honoraires inférieurs à 100 000 euros annuels.
Il y a un an, la Cour avait déjà agacé la profession en demandant le gel de la revalo du C (alors à 23 euros) en cas de dérapage des dépenses, en défendant la généralisation obligatoire de la complémentaire santé et en ouvrant la porte à l'extension des réseaux de soins.
Les charges de cette année ont été assurément les plus lourdes contre la médecine de ville.
En juillet, la Cour recommandait « une action plus ferme » de régulation des prescriptions d'arrêts de travail « à l'égard d'un nombre accru de praticiens dont le comportement s'écarte de la moyenne de leur profession ».
Haro au paiement à l'acte
Au chapitre des ALD, la Cour plaidait pour remplacer le paiement à l'acte des consultations par un forfait modulable selon l'âge, l'avancement de la pathologie et l'autonomie du patient. Elle préconisait également l'expérimentation de l'enveloppe forfaitaire au parcours et réclamait une révision des tarifs de l'imagerie et de biologie pour réaliser jusqu'à un milliard d'euros d'économies.
En septembre dernier, elle ciblait particulièrement les dépenses dynamiques des médecins spécialistes libéraux et les inégalités dans l’accès aux soins spécialisés. Elle recommandait des mesures plus musclées dans ce secteur. La Cour condamnait déjà des dépassements « plus fréquents, plus élevés et concentrés sur certains territoires » et demandait que dans les zones surdotées, le conventionnement de nouveaux spécialistes soit « subordonné à leur installation en secteur I ».
Les relations entre les médecins et la Cour des comptes n'ont jamais été un long fleuve tranquille mais avec leur dernier rapport explosif, les Sages ont donné l'impression d'un acharnement qui a surpris la profession.
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