Même le Synerpa, syndicat des maisons de retraite du privé lucratif, n’a pas voulu du groupe Bridge, tant ses pratiques sont jugées douteuses. Ce groupe privé qui regroupe 31 Ehpad pour 1 771 places – implanté principalement en Île-de-France, en Normandie, en Centre-Val de Loire et Grand Est – vient d’essuyer une volée de bois vert de la part des magistrats de la Cour des comptes.
À la suite du scandale Orpea, la loi de financement de la Sécurité sociale 2023 a donné à la Cour des comptes la possibilité de contrôler la situation financière et le fonctionnement de certains groupes et de leurs établissements. Or, plusieurs alertes avaient été adressées au groupe Bridge par les ARS sur la période 2022-2023, ayant entraîné la fermeture temporaire d’établissements ou la suspension momentanée de nouvelles admissions, voire les deux à la fois.
Les experts de la rue Cambon ont voulu analyser ce « groupe à taille humaine » sur la période récente (essentiellement 2019-2022). Mais ils ont été surpris des difficultés « tout à fait inhabituelles » rencontrées : le groupe Bridge « a multiplié les entraves au bon déroulement du contrôle », tance la Cour. Ce blocage a conduit à l’allongement substantiel des délais. Les comptes annuels et consolidés 2023 n’ont été transmis à la Cour que fin 2024, parfois « avec des lignes caviardées », racontent les magistrats.
Carences managériales
Premier constat de la Cour, la stratégie de gestion du groupe « pèse sur la qualité de service rendu et amène à ne pas répondre aux besoins des résidents ». La politique RH de Bridge est jugée « restrictive », ayant pour seul objet de « maîtriser la masse salariale ». En particulier les directeurs d’Ehpad, sous forte pression et soumis à un fort turnover, doivent ajuster les effectifs au taux d’occupation avec des remplaçants, vacataires ou intérimaires.
Cette politique crée des dysfonctionnements nombreux et génère « une instabilité des équipes, préjudiciable à la bonne connaissance des résidents par les personnels ». Absence « parfois longue » de médecin coordonnateur, « absences concomitantes » des infirmières coordinatrices et du directeur de l’Ehpad, présence d’un seul agent de maintenance pour « réaliser un nombre de tâches denses et multiples », manque de disponibilité des interlocuteurs… La désorganisation va jusqu’à affecter la sécurité des résidents « avec des systèmes d’appels des malades mal entretenus et défectueux ».
Lors d’une visite inopinée d’un Ehpad du groupe par les magistrats, la directrice avait… donné sa démission quelque temps auparavant ! La sinistralité (accidents du travail) est aussi plus élevée dans le groupe que dans la moyenne du secteur : en 2021, Bridge a perdu en moyenne près de 11 journées par salarié.
Rentabilité en baisse mais dividendes
Le modèle financier de Bridge est questionné par la Cour. Ses acquisitions ont été financées par d’importantes levées de fonds alors même que « les taux d’occupation peinent à se redresser et à retrouver leur niveau d’avant la crise », ce qui a creusé l’endettement du groupe.
Pourtant, cela n’a pas empêché cette société de poursuivre sa stratégie financière et de « préserver au maximum sa rentabilité ». Toutefois, le taux de marge d’Ebitda est passé de 25 % en 2021 à 15 % en 2022 puis à 11 % en 2023. En dépit de la situation financière dégradée de certains Ehpad, la Cour a constaté « des flux financiers massifs des établissements vers le groupe », pour un montant de 20 millions d’euros de dividendes au titre des exercices 2021, 2022 et 2023, contraignant les Ehpad à puiser dans leurs fonds propres.

La Cour demande donc des actions correctives de la part de Bridge. Deux de ses recommandations portent sur la stabilisation de l’encadrement et la montée en compétences des directeurs d’une part, et l’évaluation des effectifs des soignants en fonction des besoins des résidents ainsi que l’élévation de leur niveau de qualification d’autre part.
Le président fondateur du groupe Charles Memoune a laissé la place à de nouveaux actionnaires et à une nouvelle gouvernance. La nouvelle présidente s’emploie à donne des gages, notamment en créant une direction médicale chez Bridge et un nouveau management par la qualité, avec la mise en place d’audits et d’actions sur le terrain en direction des personnels.
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