Dans un livre intitulé « Santé : explosion programmée » (Éditions de l'Observatoire, 163 pages, 17 euros) qui sort ce mercredi, le président du CNOM, le Dr Patrick Bouet, dénonce un système de santé « à bout de souffle ». Le généraliste de Seine-Saint-Denis somme le gouvernement d'engager une « réforme globale » de toute urgence dans une interview accordée au JDD. Pour lui, il faut surtout arrêter de considérer les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) comme la solution à tous les déserts.
« Nous sommes vraiment arrivés à la fin d'un cycle », constate le Dr Patrick Bouet. Le ton est volontairement alarmiste. Le médecin qui a pris la tête du CNOM en 2013 tire des conclusions de sa « connaissance du terrain ». Selon lui, le système tient encore debout grâce aux professionnels de santé : « Si la machine continue de tourner, c'est grâce à l'engagement des aides-soignantes, des infirmiers, des kinés et des médecins, étudiants, libéraux ou salariés du public et du privé. C'est miraculeux qu'ils continuent de croire en leur mission ! », confie-t-il à l'hebdomadaire.
Serrage de ceinture et MSP à tout-va
Pour le président du CNOM, les inégalités de santé sont principalement dues à la « doctrine économique » et à la volonté de retour à l'équilibre du budget qu'a subi la santé depuis plusieurs années, au détriment du principe de solidarité. Il craint que les réformes engagées par le duo Macron-Buzyn ne soient qu'un « cataplasme ». « Nous disons au président de la République que nous ne pouvons pas croire que la santé puisse être l'oubliée de sa volonté réformatrice », interpelle le Dr Bouet.
Dans son livre, il vise notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), « chères à créer et à faire fonctionner ». Le Dr Patrick Bouet écrit : « Elles ne sont pas l'Alpha et l'Omega de la lutte contre la désertification médicale. (...) Non seulement elles n'ont pas entraîné un afflux massif de professionnels de santé dans les zones sous dotées en médecins mais certaines d'entre elles ont dû fermer leurs portes après quelques mois, faute de patients. Ou bien ce sont les médecins qui ont fait défaut. »
Casse-tête administratif
Il fustige notamment les contraintes administratives et financières liées à la création de ces structures libérales, dont la multiplication des normes ces dernières années (cahier des charges, obligation de se former en Sisa pour toucher les subventions,...) fait déchanter certains professionnels. « Les professionnels de santé n'y trouvent pas leur compte, raconte le Dr Bouet dans son ouvrage. Ils se retrouvent en situation de gérer un établissement, avec ses normes, ses contraintes de fonctionnement et d'organisation et toute sa paperasserie… Alors qu'ils ont choisi d'être libéraux ! Leur ambition est simplement de mettre en commun leurs compétences pour créer des parcours de soins ».
Faut-il pour autant engager une coercition à l'installation pour répondre à la demande de soins ? Non, rappelle fermement le président de l'Ordre, qui qualifie cette mesure « d'erreur stratégique ». Et d'ajouter, non sans crainte : « Fort heureusement, aucun gouvernement ne s'est prononcé en faveur d'une telle mesure. Mais la charge de ses partisans est lourde et demeure. »
Mobilité et initiatives de terrain assouplies
Lui, prône plutôt la mobilité des médecins dans les campagnes et la collaboration de tous les professionnels, quel que soit leur mode d'exercice autour de projets de santé. Il cite notamment la coopération réussie des médecins de Belle-Ile-en-mer ou encore celle du plateau des Millevaches en Corrèze. « À rebours de l'avalanche de normes qui pèsent aujourd'hui sur les médecins libéraux regroupés en maisons de santé, il faut construire des systèmes plus souples. (...) Quand on ne les assomme pas de paperasse, les libéraux, qui aspirent aujourd'hui souvent à vivre en ville, sont prêts à faire des kilomètres pour aller passer une journée de consultation dans une petite commune », ajoute-t-il.
Pour répondre à la crise du système de santé, le Dr Patrick Bouet évoque aussi plusieurs pistes dans son livre : sortir l'hôpital de la tarification à l'activité, favoriser les coopérations entre public et privé ou encore réguler le secteur II pour renforcer le secteur I en poursuivant la création de consultations complexes, comme c'est déjà le cas dans la convention 2016. « Plus les rémunérations du système conventionné seront adaptées aux exigences de la réalité, moins nombreux seront les médecins en honoraires libres. Ainsi la création, de plusieurs types de consultations en secteur I va dans le bon sens », estime-t-il.
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