Et maintenant le vote solennel attendu mardi après-midi: l'Assemblée nationale devrait adopter en première lecture ce jour-là le premier PLFSS de la mandature Macron, avant de passer la main aux sénateurs début novembre. Les députés ont en effet achevé dans la nuit de vendredi à samedi l'examen article par article du projet de budget de la Sécu pour 2018, à l'issue de quatre journées de débats dont une dernière de plus de 15 heures au total !
Le TPG n'est plus obligatoire
Pour les médecins, ce sera d'abord la confirmation d'une mesure symbole : la suppression de l'obligation de généraliser le tiers payant au 30 novembre a en effet été votée dans l'héémicycle en fin de débat. A ce propos, la ministre de la Santé a dit souhaiter "changer de méthode" : "il s'agit d'abord de mettre en place les outils" en vue d'un tiers payant "généralisable" mais pas "obligatoire", selon Agnès Buzyn.
Dans le détail, l'exposé de l'amendement gouvernemental adopté prévoit que "tout en maintenant l’objectif de la loi de santé (de 2016)", l’obligation de généralisation du tiers payant à l’ensemble de la population est supprimée. Et "avant le 31 mars 2018", le gouvernement devra remettre au Parlement "un rapport sur le calendrier de mise en œuvre opérationnelle du tiers payant intégral", qui sera réalisé "sur la base d'une concertation" avec les acteurs impliqués. Cette concertation "devra permettre aussi d’identifier les publics prioritaires pour lesquels un accès effectif au tiers payant devrait être garanti" au-delà des patients déjà couverts (affection de longue durée, assurance maternité…).
Des précautions pas suffisantes pour convaincre les socialistes. C'était "vraiment un progrès social" s'est lamenté Joël Aviragnet (Nouvelle Gauche) à propos du TPG version Touraine, alors que l'Insoumis Adrien Quatennens a déploré la disparition d'"un des très rares acquis sociaux du quinquennat Hollande" et évoqué "un amendement clientéliste" à l'égard des médecins. "À l'heure de la télémédecine, c'est d'une simplicité biblique" pourtant, a ironisé le communiste Pierre Dharréville.
À l’inverse, la droite, par la voix de Gilles Lurton, s'est félicitée d'une "belle victoire". Au nom des élus LREM, le médecin Thomas Mesnier a souligné que l'amendement, "pragmatique", était conforme à l'engagement de campagne d'Emmanuel Macron d'un "tiers payant généralisable, simple et efficace", et "sans contrainte" pour les professionnels. Bruno Millienne (MoDem) a aussi remercié la ministre de "faire ça progressivement" pour les médecins.
Feu vert aux expérimentations des acteurs de santé
[[asset:image:12059 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]Un peu plus tôt, l'Assemblée nationale a donné vendredi soir son feu vert à la possibilité d'expérimentations par les professionnels de santé sur un territoire, dérogeant au droit commun. "Nous savons tous les blocages et parfois les difficultés qu'ont les professionnels qui souhaitent s'organiser sur un territoire pour promouvoir des organisations innovantes", a plaidé Agnès Buzyn, en citant les délégations de tâches entre professionnels, la prévention dans les parcours de soins et encore le cloisonnement entre ville et hôpital. Ainsi "nous avons souhaité lever les verrous" tout en maintenant une "vigilance" et en évaluant ces expérimentations. Vantant un "pragmatisme absolu", Agnès Buzyn a assuré que ces dérogations allaient permettre via un fonds dédié à la fois "l'innovation et la sécurité des soins pour nos concitoyens".
La télémédecine mieux prise en charge
L'Assemblée a ensuite adopté un autre article du projet de budget organisant la prise en charge des téléconsultations par l'assurance maladie. "Mon objectif n'est pas de faire des économies" mais "que la législation s'adapte aux réalités de terrain", la télémédecine s'étant fortement développée, a expliqué Agnès Buzyn. Des députés de plusieurs bords ont demandé un encadrement strict, jusqu'à Claire Pitollat (LREM) qui a souhaité limiter les tarifs des actes de télémédecine au niveau des actes médicaux classiques afin que "la consultation demeure le mode d'exercice principal". Mais elle a fini par retirer son amendement qui n'a pas été soumis au vote.
L'obligation vaccinale passse sans trop de heurts
[[asset:image:12060 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]Ce PLFSS 2018 clôt le débat sur l'obligation vaccinale en portant de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires pour les enfants qui naîtront à partir du 1er janvier 2018 : l'Assemblée nationale a voté vendredi cette mesure de "santé publique", selon le gouvernement, après de vifs débats et un moment d'émotion. Ces onze vaccins - coqueluche, rougeole-oreillons-rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae (source de méningites), pneumocoque, méningocoque C, en plus de la diphtérie, du tétanos et la poliomyélite - seront donc obligatoires pour les enfants de moins de deux ans, et indispensables pour l'admission en collectivité (crèche, école…), ainsi que le prévoit un article du projet de budget de la Sécu. Les parents récalcitrants ne seront toutefois pas sanctionnés pour défaut de vaccination.
Occasion a ainsi été donnée à Agnès Buzyn de défendre la vaccination, "médicament qui a sauvé le plus de vies au monde". Elle a aussi insisté sur la méthode : "La concertation a eu lieu" en 2016 sous l'égide du précédent gouvernement et "il est temps d'agir", a lancé la ministre. Enfin, elle a une nouvelle fois souligné l'innocuité des adjuvants : ils "ne présentent aucun danger", a-t-elle assuré .
Sous les applaudissements de la majorité, la disposition a été adoptée en première lecture par 63 voix pour, et 3 contre (dont deux élus LREM). Neuf députés se sont abstenus, à la gauche de la gauche. En point d'orgue des débats, la députée Michèle Peyron (La République en marche) a lâché : "Il y a trente ans, j'ai voulu attendre moi aussi et j'ai perdu un enfant", non vacciné. Son intervention a suscité de l'émotion sur tous les bancs, entraînant une suspension de séance durant quelques minutes, à la demande de la ministre.
Les vaccins obligatoires seront pris en charge à 65% par l'Assurance maladie et à 35% par les assurances complémentaires (sauf le ROR pris en charge à 100% par l'Assurance maladie). En vertu d'un amendement du rapporteur, une évaluation sera réalisée chaque année.
Une consultation de prévention pour les femmes de 25 ans
Autre acquis de santé publique : l'Assemblée a voté vendredi la prise en charge à 100% par l'assurance maladie d'une consultation unique de prévention des cancers du sein et du du col de l’utérus pour les assurées de 25 ans, via un amendement gouvernemental au budget de la Sécu. L'objectif est de "lever les éventuels freins financiers et de garantir un égal accès des jeunes femmes à cette consultation de prévention", qui "sera mise en œuvre sur la base des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS)", selon l'exposé de la mesure.
A leur 25ème anniversaire, les femmes seront invitées à une consultation pour la prévention des cancers du sein et du col de l’utérus, prise en charge totalement, pour "sensibiliser le plus en amont possible à l’intérêt et aux modalités de dépistage et de suivi de ces cancers, selon les antécédents et les facteurs de risque personnels", prévoit la mesure.
"Les jeunes femmes doivent être sensibilisées le plus précocement possible aux facteurs de risque de ces cancers et à l'intérêt du dépistage, celles qui ont des facteurs de risque aggravés, souvent familiaux, doivent être identifiées le plus tôt possible. C'est une attente forte, remontée lors de la consultation citoyenne de 2016", a déclaré la ministre de la Santé, ex-présidente de l'Institut national du cancer et hématologue.
Taxe soda à la hausse
[[asset:image:12061 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]A retenir aussi, au chapitre prévention : au nom de la lutte contre l'obésité, l'Assemblée nationale a voté dans la nuit de jeudi à vendredi une nouvelle formule de la "taxe soda". Dans un large consensus, les députés ont voté par 80 voix contre trois un amendement porté par le rapporteur général du projet de budget de la Sécurité sociale, Olivier Véran (LREM). La mesure était aussi défendue par six des sept groupes politiques de l'Assemblée, LFI proposant pour sa part une nouvelle taxe.
Le dispositif a pour "seul objectif, celui d'aider la santé des enfants", et d'éviter "les risques d'obésité et de diabète de type 2", a affirmé le Dr Véran, qui s'était déjà engagé sous le précédent quinquennat sur ces questions.
L'amendement prévoit que la taxation se déclenchera à partir de 1 gramme de sucre pour 100 ml. Elle progressera jusqu’à une vingtaine d'euros par hl pour un produit dépassant 11 g de sucres ajoutés pour 100 ml.
Tabac : une hausse progressive jusqu'à 10 euros le paquet
L'Assemblée a enfin voté jeudi soir la hausse du prix du tabac prévue dans le budget de la Sécurité sociale, jusqu'à 10 euros le paquet de cigarettes d'ici à fin 2020. L'article, voté à main levée par les députés, prévoit une hausse de la fiscalité en cinq étapes. Répercutée par les fabricants, elle fera augmenter le paquet d'un euro en mars 2018, puis de 50 centimes en avril et novembre 2019, de 50 centimes en avril 2020 et de 40 centimes en novembre 2020. Agnès Buzyn a défendu cette mesure comme un "enjeu majeur" mettant en avant un "lien absolu entre l'augmentation du prix et la réduction du tabagisme". Aux élus de droite principalement, montés au créneau pour défendre les buralistes, elle a rétorqué qu'il fallait "arrêter d'opposer stérilement les buralistes avec les objectifs de santé publique", assurant que le gouvernement défendait un choix du "en même temps". "Dix personnes sont mortes statistiquement depuis que nous avons commencé à parler", a ensuite lancé le rapporteur Olivier Véran (LREM) aux députés, ajoutant que "cette ambivalence" entre la santé et les buralistes "elle nous bouffe" et invoquant une "urgence sanitaire".
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