Décision Santé-le Pharmacien hôpital. Comment les GHT transformeront-ils l’activité des pharmaciens hospitaliers ?
Patrick Léglise. L'activité des pharmaciens hospitaliers est appelée à se transformer à la fois par le décret GHT mais aussi par l’ordonnance PUI qui est également une application de la loi de santé. La rédaction de ces deux textes doit donc être cohérente. En effet, l’évolution du droit des PUI doit permettre la mise en place de la coopération et de la mutualisation programmées dans les GHT. Tout simplement parce que le GHT n’a pas de personne morale. Or les activités pharmaceutiques doivent être rattachées à une personne morale. D’où l’ardente obligation de faire évoluer le droit des PUI avant de mettre en œuvre les nouvelles collaborations ouvertes par les GHT, y compris l’exécution de certaines activités pharmaceutiques pour le compte d’autres PUI. On le comprend, l’introduction de la notion de convention de coopération entre PUI est l’un des points majeurs de l’ordonnance PUI. Encore aujourd’hui, certaines missions comme le conditionnement unitaire des médicaments, la délivrance de médicaments, le stockage de médicaments ou la gestion des approvisionnements pour le compte d’une autre pharmacie ne sont pas autorisées. Demain, elles le deviendront et de manière simple dans le cadre d’un GHT et sous un mode conventionnel. Actuellement la seule alternative possible repose sur la création d’un groupement de coopération sanitaire (GCS). Or nous y sommes fortement opposés, car c’est une construction qui fait sortir la pharmacie de l’hôpital. Le GCS est une structure indépendante de l’établissement. Ce qui se traduit par une fiscalité différente proche de l’entreprise. Elle a obligation de collecter la TVA. Autre contrainte, l’adhésion à un GCS interdit toute participation aux commissions médicales d’établissement.
D. S-P. H. Vous citez les avantages liés à l’instauration des GHT. Quels sont toutefois les problèmes soulevés par cette nouvelle structure ?
P. L. Les activités pharmaceutiques doivent être coordonnées sur un territoire. Le risque évident est l’exercice d’un leadership de fait d’un pharmacien sur ses confrères. Nous nous efforçons de limiter ce danger. Nous nous opposons aussi au concept de pharmacie de territoire. Nous avons demandé à la DGOS (Direction générale de l’offre de soins) d’intégrer un projet pharmaceutique du territoire dans le projet médical partagé du GHT. Mais une fois la concertation achevée, le projet pharmaceutique s’impose à l’ensemble des PUI. Quant aux modalités de coordination, elles doivent être clairement explicites. Pour autant, on refuse que la coordination soit décidée a priori dans les textes, indépendamment des réalités locales. Le pharmacien de l’établissement support de type CHU n’a pas vocation à être désigné comme le coordinateur, voire l’organisateur des activités pharmaceutiques sur l’ensemble des territoires. Cette conception imposerait une organisation qui ne serait pas pertinente sur l’ensemble des territoires. Nous revendiquons une souplesse dans la mise en place. Et refusons toute caporalisation de la pharmacie hospitalière.
D. S-P. H. Les GHT n’offrent-ils pas une opportunité unique pour développer enfin la pharmacie clinique ?
P. L. Évidemment, le principe des GHT est certes d’apporter une réponse pharmaceutique cohérente sur l’ensemble du territoire ; mais aussi de nouer des liens avec la ville. Pour les pharmaciens, c’est aussi de dégager du temps pharmaceutique pour développer la pharmacie clinique. Citons à titre d’exemple la conciliation médicamenteuse. Des agences régionales de santé (ARS) se sont déjà engagées dans ce type d’actions. L’ancienne ARS Midi-Pyrénées avait lancé un grand projet avec le CHU de Toulouse avec pour objectif le développement de la pharmacie clinique. Des moyens spécifiques ont été trouvés avec la création de postes de pharmaciens. La coordination ne se crée pas ex nihilo. La pharmacie clinique progresse lentement mais sûrement. Au-delà des deux exemples emblématiques nîmois et grenoblois, on peut citer un projet également à Tours, sans oublier l’appel à projet lancé par la DGOS axé sur le développement de la pharmacie clinique. Deux millions et demi d’euros sont débloqués pour la mise en œuvre de dix projets. Ces expérimentations doivent faire la preuve de l’intérêt de la pharmacie clinique avant une rapide généralisation.
D. S-P. H. La conciliation médicamenteuse s’installe rapidement dans les pratiques.
P. L. C’est une étape de la pharmacie clinique. Elle n’est toutefois pas une activité strictement pharmaceutique. Et se décline dans les services autour d’une collaboration entre médecins, infirmières, pharmaciens et préparateurs. La réussite de ce type d’activité est toutefois conditionnée à l’implication des pharmaciens. En leur absence, le projet est condamné d’emblée. Nous appelons donc les pharmaciens à fédérer les soignants autour de la conciliation. L’activité de conciliation ne se réduit pas à l’entrée du patient. L’enjeu principal se joue plutôt lors de la sortie du patient de l’hôpital avec la mise en œuvre à ce moment crucial d’une consultation pharmaceutique afin de nouer un véritable lien entre le médecin traitant, l’officine, les infirmières libérales. Elle permet de clarifier un bon usage du médicament, une explication des modifications de traitement auprès des patients et des professionnels de santé ambulatoire.
D. S-P. H. Les médecins expriment des craintes sur le calendrier très contraint qui a été retenu pour la mise en place des GHT. Partagez-vous leur inquiétude ?
P. L. Nous partageons ces craintes. Au 1er juillet, une première ébauche doit être réalisée. Le projet médical dossier partagé doit être finalisé au mieux dans les six mois puis ferme et définitif dans les douze mois. Les échéances électorales risquent toutefois de perturber ce calendrier. D’où le rôle dévolu au praticien hospitalier d’être porteur de projet. Les pharmaciens s’impliquent au quotidien dans la rédaction de ces projets. Ils sont parfois bridés par leur directeur qui souhaite prendre davantage de temps. Sur le terrain, au sein des PUI, les activités mutualisables sont d’abord celles orientées vers la production. Sont concernées en priorité la stérilisation, les préparations hospitalières, la chimiothérapie. L’objectif aussi est de définir le périmètre des activités de proximité, d’élaborer plusieurs scénarios en termes d’approvisionnement. Par exemple, les stocks doivent-ils être centralisés au sein d’un établissement avec la mise en place d’une logistique qui assurera l’approvisionnement dans l’ensemble du GHT ? Ou faut-il conserver dans chaque établissement des stocks suffisants afin d’éviter des procédures de redistribution lourdes ? Tout est ouvert. En revanche, les activités de proximité, du type analyse des prescriptions, pharmacie clinique doivent être maintenues au plus près des patients. Le bon usage d’un médicament ne se décrète pas dans le confort d’un bureau, isolé de la clinique. Le contact avec les professionnels est indispensable afin de l’intégrer dans les pratiques.
D. S-P. H. Comment se déroulent les appels d’offres sur les biosimilaires ?
P. L. Par exemple à l’AP-HP (Assistance publique des hôpitaux de Paris), la Comedims* avait adopté des positions très tranchées. La réalité réglementaire a imposé des adaptations. Sur les facteurs de croissance par exemple, le marché a été gagné par un biosimilaire. Pour autant, l’AP-HP a été contrainte de mettre à disposition des prescripteurs les autres biosimilaires pour les suites de traitement. Quant aux dispositions législatives réglementant la prescription des biosimilaires et notamment l’impossibilité de substituer un produit après la première ordonnance, on peut s’interroger sur la pertinence de cette réglementation. Les problèmes immunitaires existent. Simplement les professionnels de santé les géreront de la même manière qu’ils le font pour les génériques, c'est-à-dire traiter au quotidien les problèmes allergiques provoqués par des excipients à effets notoires. Avant la promulgation de cette loi, on substituait les produits biologiques sans grande conséquence clinique.
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