Décision Santé. Le Snibo soutient-il le mouvement de contestation de la réforme de la retraite ?
Olivier Wacrenier. Nous avons appelé tous les Ibode du public et du privé à se mobiliser et à battre le pavé pour faire corps et exprimer leur désarroi devant cette réforme. Nous sommes contre le report à l'âge légal à 64 ans. Car nous avons une profession à risques, avec des horaires décalés (astreinte), de jour, de nuit. Cela ne sera pas pris en compte dans les points de pénibilité, sauf ceux ayant un roulement fixe de nuit. De plus, nous travaillons debout de façon statique, lorsque nous sommes sur le champ opératoire en tant qu’instrumentiste ou aide opératoire, avec des directives longues et fastidieuses des DRH qui demandent des amplitudes horaires de 10, voire 12 heures. Comment faire avec les personnes qui ont commencé le métier d'Ibode plus tard et qui devront même prendre leur retraite au-delà de 64 ans pour avoir leur taux plein ? Je suis dans ce cas. Je ne me vois pas à 67 ans aider un chirurgien qui aura 25 ans de moins que moi. C'est du délire.
DSS. Votre profession d'Ibode est particulièrement impactée par cette réforme ?
O.W. Le gouvernement n'a pas réfléchi à ces métiers de la santé qui sont déjà sous tension. On est déjà revenu sur nos repos, nos congés. On fait des contre-postes. À terme, quid de l'attractivité du métier ? Il y a deux mois, nous avons demandé au ministère de la Santé que s'il voulait attirer des Ibode, il devrait faire un effort en matière de salaire. Nous demandons une prime supplémentaire de 500 euros pour les inciter à se former et à venir exercer en bloc opératoire. Nous avons aussi des risques liés à notre profession, comme des rayons ionisants, l'exposition au sang, la manipulation de produits toxiques et dangereux. En cancérologie, on manipule du formol, des chimiothérapies. Bref, notre profession ne se voit pas rentrer en déambulateur au bloc opératoire pour soigner des gens. Outre la sécurité des soignants, il faut penser à celle des patients. Il est évident que prolonger ainsi l'âge de départ à la retraite semble peu cohérent et pas sécure.
DSS. Les Ibode peuvent-ils partir plus tôt en retraite ?
Dans cette réforme, rien n’est prévu pour que les Ibode ainsi que l’ensemble de la population soignante puissent partir plus tôt, à taux plein. Il semble évident qu’après les vagues successives de Covid ou nous avons été applaudis et plébiscités, pour le Président Macron nous sommes maintenant bien oubliés. Comment le gouvernement espère maintenir en poste des Ibode qui devront soigner de façon efficiente et sécurisante dans un domaine d’activité ? Le bloc opératoire ou les risques liés aux soins et à l’activité sont très élevés. Pourquoi faire une réforme qui ne se base que sur la durée de travail des Français ? Les richesses mal réparties profitent à une minorité. Cela semble injuste et c’est pour cela que ça ne passera jamais pour nous.
DSS. Comptez-vous vous mobiliser jusqu'au bout ?
Oui, d'autant que nous devons expliquer à nos cadres supérieurs le cadre légal de la grève. J'ai dû informer ma supérieure de la poursuivre au tribunal administratif si d'aventure elle assignait 100 % des personnels. Il y aura sans doute beaucoup de retours d'adhérents qui me signaleront des assignations abusives. La règle est que le service minimum doit être établi dans chaque bloc opératoire qui ne correspond pas au service d'astreinte : en l'occurrence pour chaque spécialité dans notre établissement (cardiaque, thoracique, vasculaire…), il n'y aura qu'une salle, avec un report des opérations non urgentes. En cancérologie par exemple, elles ne sont pas reportées, mais placées à la queue leu leu pour permettre le droit de grève des paramédicaux. Lorsqu’il n’y a pas de perte de chance pour le patient le report, l’annulation ou le décalage doivent être envisagés.
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