Nicolas Revel sort du bois sur l’accès aux soins. L’expérimenté directeur général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), auparavant à la tête de la Cnam et du cabinet du Premier ministre Jean Castex, a publié une note le 26 mai pour le think tank progressiste Terra Nova intitulée « La santé des Français : sortir de l’impasse ».
Dans ce texte de 22 pages, le haut fonctionnaire formule une proposition phare, « la seule réponse efficace », écrit-il, pour l’accès aux soins : « Mettre en place un système obligatoire de consultations avancées dans les zones sous denses. » Dit autrement : « Tout médecin installé en secteur 2 devrait consacrer quelques jours dans le mois à des consultations dans un site choisi par l’Agence régionale de santé, évidemment équipé en fonction de sa spécialité, à tarif opposable et avec une garantie minimale de revenus. »
Et d’insister, « convaincu de longue date » de l’intérêt de cette idée : « Un tel dispositif qui devrait être rendu obligatoire pour tout médecin s’installant en secteur 2 serait bien plus efficace et apporterait une réponse bien plus rapide et concrète aux trop nombreux patients pour lesquels les difficultés sont devenues encore plus prégnantes s’agissant de l’accès aux spécialistes qu’en médecine générale. »
Nicolas Revel ne précise pas tout à fait s’il a en tête uniquement les médecins libéraux en secteur 2 – même si on peut le supposer puisqu’il évoque des médecins « installés » – ou également les médecins hospitaliers qui pratiquent à l’hôpital des dépassements d’honoraires. Toutefois, il ajoute que cet effort de solidarité devrait être « porté également par les grands centres hospitaliers », notamment les CHU, qui concentrent « de par leur vocation même beaucoup de médecins dans de nombreuses spécialités ».
Cette proposition fait écho à celle du gouvernement, qui tente de faire adopter, dans le texte porté par la majorité sénatoriale, une solidarité volontaire – mais obligatoire – sous la forme d’un ou deux jours à réaliser dans les zones les moins dotées, sous peine de pénalité, allant jusqu’à 1 000 euros par jour.
« Si laisser faire n’est plus envisageable, si la nécessité d’une régulation ne peut plus être niée, sa modalité reste à construire et je ne crois pas que la solution soit dans l’idée apparemment simple mais à mes yeux simpliste et surtout inefficace, d’une limitation des possibilités d’installation dans des zones jugées surdotées », tacle Nicolas Revel, faisant référence à la PPL Garot, adoptée à l’Assemblée nationale.
Former plus, mais de façon raisonnée
Nicolas Revel développe aussi l’idée d’une augmentation du nombre de professionnels en exercice, en ouvrant davantage de places dans les formations médicales, comme paramédicales. Mais gare « à ouvrir les vannes de la formation initiale sans réflexion fine sur ce que sera la réalité des besoins dans les décennies à venir », met-il en garde.
En un chiffre : si 16 000 médecins sont formés chaque année, d’ici une dizaine d’années, 1 jeune sur 50 par classe d’âge aurait vocation à devenir médecin, a calculé l’ancien patron de l’Assurance-maladie. « Cela correspond-il à la réalité des besoins ? », interroge-t-il.
Orienter le choix des spécialités ?
Autre erreur possible notée par Nicolas Revel : « Augmenter le nombre de professionnels en s’exonérant de la question difficile du choix de leur discipline, de leur cadre d’exercice et de leur territoire d’implantation. » De manière « délibérément provocatrice », l’ancien conseiller de Jean Castex interroge : « Avons-nous réellement besoin d’augmenter le nombre de cardiologues, d’ophtalmologues ou plus encore de dermatologues esthétiques exerçants, évidemment en secteur 2, dans les centres-villes de nos grandes métropoles ? »
Pire encore, « comment éviter que les médecins généralistes que nous formons ne se consacrent, quelques années plus tard, à la médecine du bien-être, la nutrition ou la sophrologie, comme on le voit déjà dans beaucoup de cabinets de ville ? », peut-on lire. D’où l’importance selon lui « de leur donner envie de choisir cette carrière, dans les métiers où se situent nos besoins et enfin, et même surtout, en leur donnant de bonnes raisons d’y rester ».
Délégations et pratique avancée
D’autres solutions existent : délégation médicale et pratique avancée (prévention, soins courants, suivi de patients chroniques) dans les métiers infirmiers et de rééducation, pour pousser « au développement de compétences nouvelles correspondant à des niveaux situés entre bac + 3 et bac + 5 », écrit-il encore. Le DG de l’AP-HP appelle à lancer un « plan massif de développement professionnel autour de ces métiers », pour en augmenter le nombre et le champ d’intervention, avec des effets potentiels à très court terme.
Resserrer les soins nécessaires
Développant un chapitre sur l’équation économique en santé, avec une trajectoire des comptes sociaux « hors de contrôle » selon la Cour des comptes, Nicolas Revel invite à travailler sur la demande de soins « pour la resserrer sur la partie réellement nécessaire ou non évitable ».
Il suggère également d’investir sur la prévention et mettre en place un suivi structuré des patients chroniques, grâce à une organisation de soins à large échelle permettant de monitorer à distance et en continu l’évolution de l’état de santé d’une file active importante.
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