Le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint Martin, a été clair, ce mercredi 16 octobre, auditionné en commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025). « C’est un budget de paramètres, pas de réformes… Ce qui n’empêche pas la nécessité de mettre, tout de suite, sur la table des objets de réformes. Mais, d’abord, nous devons freiner les dépenses ! », a-t-il assumé devant les députés plutôt remontés contre la première mouture du texte.
Freiner les dépenses, c’est bien l’objectif principal du gouvernement, dans un contexte de forte dégradation des comptes sociaux (18 milliards d’euros de déficit du régime général pour 2024, 16 milliards d’euros programmés pour l’an prochain avec les mesures correctrices). L’exécutif table sur environ quatre milliards d’euros d’économies sur la santé, au regard de la progression naturelle des dépenses maladie. La hausse de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance-maladie) a été limitée à 2,8 %, les soins de ville héritant d’une enveloppe en hausse de seulement 2 %.
Pour autant, la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, également auditionnée, a affirmé que des avancées et de nouveaux droits seraient proposés dans ce budget. En attendant « une réforme structurelle » du système de santé, qu’elle juge nécessaire mais qu’il faut encore écrire, a-t-elle ironisé, alors qu’elle n’est en poste que depuis fin septembre.
Lecture « aride » du PLFSS
Critiquée lors de cette audition sur la place modeste accordée à la prévention, l’allergologue a au contraire défendu ses mesures concrètes : consultations médicales gratuites aux âges clés de la vie (avec la généralisation de « Mon Bilan Prévention » pour 21 millions de personnes), vaccination HPV (la campagne en collège pour les élèves de 5e sera reconduite l’an prochain avec 75 millions d’euros), vaccins hivernaux… sans oublier l’augmentation de 10 % du fonds d’intervention régional (Fir) des agences régionales de santé (ARS) consacré à la prévention. Cela dit, « je suis d’accord que ces mesures ne sont pas suffisamment visibles », a-t-elle concédé, expliquant que la lecture d’un PLFSS reste « aride ». En 15 jours, Geneviève Darrieussecq a admis ne pas avoir pu faire mieux sur la prévention, mais « c’est un objectif que je me fixe pour la suite », a-t-elle promis, évoquant – pourquoi pas – une réforme du financement.
En réponse au député (MoDem) Cyrille Isaac-Sibille, également médecin, qui réclamait des mesures de prévention contre les maladies chroniques, avec des taxes comportementales ciblées (tabac, alcool, sucre), la ministre de la Santé s’est déclarée sensible au sujet, « notamment du sucre raffiné, qui est vraiment un poison qui génère beaucoup de diabète et de diabète secondaire ».
Un « Ondam à zéro », vraiment ?
La question des moyens financiers « réels » octroyés au secteur de la santé a fait l’objet d’échanges toniques. Compte tenu des besoins croissants et de l’augmentation naturelle des dépenses, l’Ondam est-il « à zéro », comme l’ont avancé certains députés, à l’instar du socialiste Jérôme Guedj ? « Atterrée », la ministre de la Santé a rappelé les revalorisations financées des professionnels de santé à la fois en ville (1,6 milliard) et à l’hôpital (500 millions), une stratégie qui commence à porter ses fruits en termes de recrutement. Faisant le lien entre « les deux jambes du système », elle a également salué le déploiement des services d’accès aux soins (Sas) pour répondre aux urgences et soins non programmés.
La locataire de Ségur s’est aussi défendue de tout atermoiement dans la concrétisation des réformes. Plusieurs décrets attendus (sur les praticiens à diplôme hors UE ou sur la pratique avancée des infirmiers), arriveront « bientôt à signature » – le retard s’expliquant par la vacance du pouvoir cet été.
Les mutuelles dans le viseur
Le relèvement du ticket modérateur sur les consultations médicales et des sages-femmes (pour 1,1 milliard d’euros d’économies) a lui aussi été discuté. Plusieurs élus se sont inquiétés d’une hausse inévitable des cotisations des complémentaires santé avec, in fine, une perte de pouvoir d’achat pour les Français, voire du renoncement aux soins. Geneviève Darrieussecq a expliqué qu’elle restait ouverte sur les modalités, sous réserve d’obtenir l’économie programmée : ce pourrait être une augmentation du ticket modérateur comme « d’autres transferts ».
La ministre a confirmé qu’elle allait travailler avec les complémentaires (mutuelles, assurances et institutions de prévoyance) pour qu’elles ne répercutent pas trop fortement ce transfert de charges. Et elle n’a pas hésité à citer, une nouvelle fois, les conclusions du rapport sénatorial sur le sujet, lequel pointait que « les hausses de tarifs des mutuelles étaient parfois supérieures à l’effort » qui leur est demandé. Geneviève Darrieussecq a également précisé que le ministère allait regarder si la complémentaire santé solidaire (C2S) peut « s’étendre un peu à un public très fragilisé », à l’instar de ce qu’avait proposé Gabriel Attal, alors Premier ministre.
IJ, la piste du jour de carence d’ordre public
La question de la régulation des dépenses d’indemnités journalières (IJ) devrait être âprement discutée lors du débat parlementaire, à la faveur de divers amendements. Proposée par le Dr Yannick Neuder (LR), rapporteur général du PLFSS, l’autodéclaration des arrêts de travail de courte durée, avec un « jour de carence d’ordre public » (non remboursé), n’est pas exclue. Pour la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, « il faut mettre tous les sujets sur la table », y compris les conditions et l’organisation du travail, avec ses rythmes et cadences. Pour l’instant, le gouvernement prévoit plutôt d’abaisser le plafond de prise en charge des indemnités journalières (à hauteur de 1,4 Smic contre 1,8 Smic aujourd'hui). Une réforme « très paramétrique et très court-termiste », a reconnu la ministre du Travail… Un jour de carence d'ordre public reviendrait à ce qu'un salarié en congé maladie finance lui-même le premier jour où il ne travaille pas, sans rémunération de son employeur.
Dans un autre registre, la lutte contre la fraude, sur la base du rapport de Dominique Libault, président du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), devrait s’amplifier avec des fermetures de sites en ligne permettant de se procurer de faux arrêts de travail.
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