Yannick Neuder l’a annoncé ce lundi 24 mars au micro de France Info. Une réunion aura lieu en fin de journée dans son ministère, « forme de conclave sur l’organisation de la santé » au sujet de la proposition de loi transpartisane sur l’accès aux soins, portée par le socialiste Guillaume Garot (PS) et examinée mercredi en commission des Affaires sociales de l’Assemblée. Sont invités une poignée des 258 députés signataires du texte, des syndicats de médecins libéraux et de jeunes ainsi que le conseil national de l’Ordre des médecins.
Si le ministre de la Santé est opposé à toute mesure de coercition, comme il l’avait exprimé dans un entretien au Quotidien la semaine dernière, le cardiologue isérois a toutefois expliqué à France Info qu’il y avait « peut-être des voies de passage », même s’il a précisé qu’il ne fallait pas prendre de mesures « qui vont dégoûter notre jeunesse » et favoriser leur départ à l’étranger ou en secteur 3. Un sujet « qu’il faut naturellement mettre sur la table » en raison du sentiment de la population sur la désertification médicale.
Cette prise de parole intervient quelques jours après une lettre adressée par François Bayrou aux présidents de l’Assemblée, du Sénat et des groupes parlementaires le 21 mars. Dans celle-ci, le premier ministre affirme que le gouvernement se mobilisera « au côté des parlementaires qui souhaitent prendre des initiatives, dans un cadre transpartisan pour apporter des réponses à la question des déserts médicaux ». Face aux inégalités territoriales en matière de santé qui se creusent, « il est de notre devoir d’entrer dans l’action », ajoute-t-il. Mais jusqu’où ? Avec cette formulation volontairement floue, le Palois, contrairement à son ministre de la Santé, ne ferme pas la porte à la coercition. Ce qui ne manque pas d’interroger sur le degré de soutien du gouvernement à la PPL Garot. Et, sans surprise, a remis de l’huile sur le feu avant même l’entame du débat parlementaire, en particulier du côté des syndicats médicaux.
Bloc syndical uni
« Nous ferons, naturellement, front commun contre cette proposition de loi. François Bayrou y semble favorable, mais ce n’est pas le cas de Yannick Neuder, qui a été rassurant », se rassure le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S. Même son de cloche du côté de Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG (internes de médecine générale), qui redoute son adoption, comme les autres syndicats de jeunes. « Cette année, avec le nombre de signataires, le risque est grand de voir une régulation à l’installation et une obligation de PDSA nous être imposées. »
Du côté des députés, la pression du terrain est forte et les directives des partis pas toujours claires. Le rapporteur général de la commission des Affaires sociales Thibault Bazin (Droite républicaine) s’interroge sur le bien-fondé de ce texte, qui répond selon lui à « un enjeu de communication » et qu’il ne votera pas : « Les quatre articles de la proposition de loi vont-ils faire en sorte qu’on ait davantage de médecins et répondre aux besoins en santé de la population ? Réguler là où s’installent les médecins, alors qu’on en manque tellement, est-ce, aujourd’hui, la réponse au problème de la désertification médicale ? »
Pas une loi fourre-tout
Résolument opposée au texte auquel elle a déposé des amendements de suppression, en particulier sur le très corrosif article coercitif (le premier), la Dr Stéphanie Rist (EPR) confie qu’il a toutefois « des chances de passer », car les violons ne sont pas partout accordés au sein du socle commun, qui regroupe les partis qui soutiennent le gouvernement. « Il faut inciter les médecins d’aller s’installer en ville, surtout les généralistes. Et arrêter de croire qu’il existe des zones surdotées ! J’espère convaincre mes collègues de rendre attractive la médecine libérale et de ne pas faire de gestion de la pénurie », explique-t-elle.
Des arguments que le dynamique cosignataire du texte, Philippe Vigier (MoDem), tient à relativiser : « Ce n’est pas de la coercition. Le principe est simple : une plaque doit s’enlever pour qu’il y en ait une autre, dans moins de 10 % du territoire ! Ce qui signifie que dans plus de 90 % de la France, la liberté est totale ! On stabilise, on ne baisse pas le nombre de médecins. » Le pharmacien-biologiste ajoute que « l’internat est une coercition, c’est une règle imposée ! Notre texte n’est qu’une petite touche, un début de génération de prise de conscience des acteurs, car chacun doit évoluer sur ses positions ». Par ailleurs, le député précise que du côté des signataires, il n’y aura pas d’amendements visant à étendre le champ des articles : « Nous ne voulons pas que ce soit une loi fourre-tout. »
Le débat cette semaine en commission des Affaires sociales, technique et feutré, devrait donner un avant-goût des discussions prévues en séance publique les 1er et 2 avril, qui s’annoncent bien plus politiques.
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